Eloge de la lenteur.
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Eloge de la lenteur.
大家好 ! Dà jiā hăo ! Bonjour à tou(te)s !
Sur ce site, il est beaucoup question de compétition et de vitesse. Pour ma part je voudrais, encore une fois, aller à contre-courant majoritaire en posant la question : pourquoi ne pas faire l'éloge de la lenteur lorsqu'on évoque la marche nordique ?
Il me semble, en effet, qu'il y a contradiction avec la pratique pluri-millénaire de la marche par l'humanité (la marche nordique n'étant qu'une forme particulière de marche). Depuis toujours, en effet, on marche soit pour se rendre quelque part (la marche est un moyen), soit pour éprouver un bien-être que l'on n'éprouve que dans et par la marche (la marche est un but en soi). Dans le premier cas, même si on hâte le pas, on renonce à la vitesse, autrement, on emprunterait un vélo, un cheval, une automobile, un TGV, etc., à tout le moins se mettrait-on à trottiner, voire à courir. Dans le second cas, on expérimente une manière d'exister consistant à se promener, à flâner, à se détendre, à rechercher une harmonie. Si la sagesse chinoise a inventé le 道, le dào, c'est-à-dire "la voie", "le chemin", c'est bien parce que la vie est un passage, la vie humaine un passage conscient et la longue vie humaine, un passage conscient et lent. D'ailleurs, le sinogramme 道 (dào) est composé de deux caractères : 辶 qui représente la marche et頁qui représente la conscience. Voilà pourquoi, toujours en chinois, le terme "promenade" s'écrit 散步 et s'énonce sàn bù, littéralement "parcourir avec détachement". Ce qui suggérerait que la marche n'est pas essentiellement ce qu'on appellerait une "activité physique" au même titre que le tennis, le cyclisme ou le water-polo, mais plutôt une manière de vivre en harmonie avec soi-même (détachement) et avec le monde (parcours).
Bon, d'accord, tout cela va vous paraître exotique, voire farfelu. Après tout, une (bonne) raison de lier marche nordique et vitesse est, évidemment, ses origines. Si je ne m'abuse, il s'agissait lors de l'invention de cette discipline, de permettre aux skieurs scandinaves d'entretenir leur compétitivité, donc leur vitesse, dans des conditions climatiques leur interdisant la pratique du ski. Une autre (bonne) raison est manifestement l'adhésion du plus grand nombre, donc, en particulier, du plus grand nombre de marcheur(se)s nordiques, à l'idéologie productiviste : faire le maximum (donc, en particulier, le maximum de kilomètres) dans le minimum de temps. Il y a peut-être d'autres raisons parmi lesquelles, sans doute, l'obsession judéo-chrétienne de la souffrance rédemptrice. Et peu importe : si certain(e)s y trouvent leur bonheur, grand bien leur fasse. Mais pourquoi diable ne promeut-on pas de temps en temps, notamment à destination des jeunes (les vieux, eux, n'ont pas trop le choix !), une pratique lente de la marche nordique ?
PhiPhilo.
Sur ce site, il est beaucoup question de compétition et de vitesse. Pour ma part je voudrais, encore une fois, aller à contre-courant majoritaire en posant la question : pourquoi ne pas faire l'éloge de la lenteur lorsqu'on évoque la marche nordique ?
Il me semble, en effet, qu'il y a contradiction avec la pratique pluri-millénaire de la marche par l'humanité (la marche nordique n'étant qu'une forme particulière de marche). Depuis toujours, en effet, on marche soit pour se rendre quelque part (la marche est un moyen), soit pour éprouver un bien-être que l'on n'éprouve que dans et par la marche (la marche est un but en soi). Dans le premier cas, même si on hâte le pas, on renonce à la vitesse, autrement, on emprunterait un vélo, un cheval, une automobile, un TGV, etc., à tout le moins se mettrait-on à trottiner, voire à courir. Dans le second cas, on expérimente une manière d'exister consistant à se promener, à flâner, à se détendre, à rechercher une harmonie. Si la sagesse chinoise a inventé le 道, le dào, c'est-à-dire "la voie", "le chemin", c'est bien parce que la vie est un passage, la vie humaine un passage conscient et la longue vie humaine, un passage conscient et lent. D'ailleurs, le sinogramme 道 (dào) est composé de deux caractères : 辶 qui représente la marche et頁qui représente la conscience. Voilà pourquoi, toujours en chinois, le terme "promenade" s'écrit 散步 et s'énonce sàn bù, littéralement "parcourir avec détachement". Ce qui suggérerait que la marche n'est pas essentiellement ce qu'on appellerait une "activité physique" au même titre que le tennis, le cyclisme ou le water-polo, mais plutôt une manière de vivre en harmonie avec soi-même (détachement) et avec le monde (parcours).
Bon, d'accord, tout cela va vous paraître exotique, voire farfelu. Après tout, une (bonne) raison de lier marche nordique et vitesse est, évidemment, ses origines. Si je ne m'abuse, il s'agissait lors de l'invention de cette discipline, de permettre aux skieurs scandinaves d'entretenir leur compétitivité, donc leur vitesse, dans des conditions climatiques leur interdisant la pratique du ski. Une autre (bonne) raison est manifestement l'adhésion du plus grand nombre, donc, en particulier, du plus grand nombre de marcheur(se)s nordiques, à l'idéologie productiviste : faire le maximum (donc, en particulier, le maximum de kilomètres) dans le minimum de temps. Il y a peut-être d'autres raisons parmi lesquelles, sans doute, l'obsession judéo-chrétienne de la souffrance rédemptrice. Et peu importe : si certain(e)s y trouvent leur bonheur, grand bien leur fasse. Mais pourquoi diable ne promeut-on pas de temps en temps, notamment à destination des jeunes (les vieux, eux, n'ont pas trop le choix !), une pratique lente de la marche nordique ?
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour Phiphilo,
J'aime bien lire tes mots. Ils sont juste.
J'aime aussi marcher lentement, être dans un autre monde, marcher sans but si ce n'est de marcher.
Je complèterai ce message plus tard...
J'aime bien lire tes mots. Ils sont juste.
J'aime aussi marcher lentement, être dans un autre monde, marcher sans but si ce n'est de marcher.
Je complèterai ce message plus tard...
Fabrice_13- Membre 5 ansMembre 5 ans
- Localisation : 13
Re: Eloge de la lenteur.
La notion de vitesse est relative.Mais pourquoi diable ne promeut-on pas de temps en temps, notamment à destination des jeunes (les vieux, eux, n'ont pas trop le choix !), une pratique lente de la marche nordique ?
Si au bout d'un moment, nous marchons sans nous rendre compte que nous marchons parce que nos pensées et réflexions sont ailleurs et nous ne sommes plus les yeux rivés sur le chrono , alors je fais une pratique lente de la Marche Nordique.
_________________
Angel
Angel- Membre 5 ansMembre 5 ans
- Localisation : Rhone Alpes Auvergne
Re: Eloge de la lenteur.
Angel a écrit:La notion de vitesse est relative.
Non, c'est la notion de lenteur qui est relative. Relative à un certain nombre de sensations kinesthésiques et coenesthésiques, en l'occurrence. La vitesse, quant à elle, c'est une distance rapportée à une unité de temps. C'est donc un absolu. Tout comme l'arrêt qui est la vitesse 0. C'est important parce que la lenteur ne dépend pas des indications de votre chronomètre. La vitesse, si.
PhiPhilo.
怕站不慢 (pà zhàn bù màn) : "craignez l'arrêt, pas la lenteur".
Re: Eloge de la lenteur.
bonjour, assez d'accord avec le principe. la marche nordique nous donne la chance de pouvoir expérimenter la lenteur et avec elle, la pleine conscience du moment présent... Le seul instant qui existe réellement. personnellement, j'aime beaucoup marcher en pleine conscience notamment en pratiquant la respiration de la marche afghane. se sentir "un" avec le tout car après tout, n'est ce pas la voie du tao... merci beaucoup pour cet article !
Kaguinette
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour Kaguinette.
Oui, c'est exactement cela l'"esprit" de la marche en général et de la marche nordique en particulier.
C'est, effectivement, ce vécu de conscience bien spécifique qui consiste à se sentir présent à soi-même (sensations coenesthésiques) et au monde (sensations kinesthésiques), présence qui, comme vous le soulignez, est LA réalité même. Pensons au sens du verbe "réaliser", to realize en anglais : quand on "réalise" quelque chose, on prend pleinement conscience de toutes ses implications, à l'intérieur comme à l'extérieur de soi. Et quand on "réalise" qu'on ne fait qu'Un avec la terre par nos pieds (et nos bâtons) et avec le ciel par notre tête, on "réalise" en même temps qu'on suit la Voie (道, dào), ou, si l'on préfère, qu'on est sur le bon chemin, celui de la paix, du vide, de l'unité.
D'où l'importance de la maîtrise du rythme, du souffle (气, qì), incompatible avec la précipitation et la souffrance caractéristiques de l'obsession de la vitesse. Vous évoquez très justement la marche afghane : essayez donc de la pratiquer en compétition !
PhiPhilo.
Kaguinette a écrit:la marche nordique nous donne la chance de pouvoir expérimenter la lenteur et avec elle, la pleine conscience du moment présent...
Oui, c'est exactement cela l'"esprit" de la marche en général et de la marche nordique en particulier.
C'est, effectivement, ce vécu de conscience bien spécifique qui consiste à se sentir présent à soi-même (sensations coenesthésiques) et au monde (sensations kinesthésiques), présence qui, comme vous le soulignez, est LA réalité même. Pensons au sens du verbe "réaliser", to realize en anglais : quand on "réalise" quelque chose, on prend pleinement conscience de toutes ses implications, à l'intérieur comme à l'extérieur de soi. Et quand on "réalise" qu'on ne fait qu'Un avec la terre par nos pieds (et nos bâtons) et avec le ciel par notre tête, on "réalise" en même temps qu'on suit la Voie (道, dào), ou, si l'on préfère, qu'on est sur le bon chemin, celui de la paix, du vide, de l'unité.
D'où l'importance de la maîtrise du rythme, du souffle (气, qì), incompatible avec la précipitation et la souffrance caractéristiques de l'obsession de la vitesse. Vous évoquez très justement la marche afghane : essayez donc de la pratiquer en compétition !
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Une petite question me taraude l'esprit .
En quoi la Marche Nordique serait différente de la marche, pour faire l'éloge de la lenteur. Il me semble qu'il y a dèjà des littératures sur la Marche et l'éloge de la lenteur ?
Denis
En quoi la Marche Nordique serait différente de la marche, pour faire l'éloge de la lenteur. Il me semble qu'il y a dèjà des littératures sur la Marche et l'éloge de la lenteur ?
Denis
DeniS- Membre 5 ansMembre 5 ans
- Localisation : Auvergne
Re: Eloge de la lenteur.
DeniS a écrit:Une petite question me taraude l'esprit .
En quoi la Marche Nordique serait différente de la marche, pour faire l'éloge de la lenteur.
Par le double ancrage à la terre : les pieds et les bâtons. Et, comme on l'a déjà fait remarquer ICI, ce double ancrage n'accélère pas mais, au contraire, ralentit le(la) marcheur(euse).
DeniS a écrit:Il me semble qu'il y a dèjà des littératures sur la Marche et l'éloge de la lenteur ?
... qui ne sont guère évoquées sur ce forum !
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour, j'irais meme plus loin en disant que la marche nordique, pour moi, permet une belle circulation de l'énergie par rapport à la marche seule. Par exemple : C'est ce que recherche les pratiquants de Qi Gong en général. Et tout comme le Qi Gong, le mouvement ne doit être ni tendu ni relâché... le mouvement est yin puis yang... et surtout, l'ensemble du corps est en mouvement mais ni trop, ni pas assez.... bref, le juste milieu pour permettre à l'energie de circuler... d’où l'éloge de lenteur avec le mouvement parfait et connecté ! C'est une belle expérience à faire et il est dificile de la traduire avec des mots je trouve, car on est dans le ressenti qui n'appartient qu'à soi meme suivant nos propres expériences.DeniS a écrit:Une petite question me taraude l'esprit .
En quoi la Marche Nordique serait différente de la marche, pour faire l'éloge de la lenteur. Il me semble qu'il y a dèjà des littératures sur la Marche et l'éloge de la lenteur ?
Denis
Après, pour en revenir à la lenteur, elle a, elle aussi, plusieurs vitesses. C'est juste à nous de découvrir quelle lenteur nous convient... celle qui nous permet d'être en respect avec notre corps et notre esprit tout en restant connecté avec l'extérieur... et c'est là, qu'intervient le souffle ou plutot l'importance du souffle (inspir/expir/inspir/expir). J'ai vu être en parfaite harmonie à 6 .2 km/h en ayant une impression de lenteur alors q je dois plafonner à 6.8 kms/h maxi avec le vent dans le dos...
Enfin, pour ce qui est de la respiration de la marche afghane, ce serait un bon sujet sur le forum je trouve !
Kaguinette
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour les passionné(e)s
Pour tous, désolé, je vais être un peu long mais le sujet -lié à d'autres sur l'esprit de la marche nordique-, me parait mériter un développement.
D'abord, BRAVO et MERCI Phiphilo
BRAVO
pour ta constance dans tes écrits et ton application à défendre une vision ''zen’’ de la marche nordique. BRAVO aussi pour ce dernier post un peu moins catégorique que certains où tu vas jusqu’à affirmer que la compétition est contraire à ''l’esprit de la marche nordique'' voire n’est que ce n’est pas du sport
Quoi que…
MERCI
pour tes positions qui donnent l’occasion de s’interroger sur l’intérêt et le sens de notre pratique.
Personnellement, plutôt qu’un ELOGE DE LA LENTEUR, je suis plutôt partisan d’un ELOGE DU PLAISIR Et du plaisir, j’en prends beaucoup, à travers et grâce à différents formes de pratique de la marche nordique.
Oui j’apprécie des sorties ‘’soft’’ pour être au plus proche de la nature, me laisser aller à méditer tranquillement (tiens, hier notamment grâce à ce sujet sur la lenteur). Mais j’apprécie, aussi des sorties en groupe ou la convivialité prend le pas sur les ‘’échanges intérieurs’’, à des allures variées, ou encore des sorties individuelles plus toniques… et aussi la participation à une compétition de temps en temps.
A chaque type de sortie, son type de PLAISIR et c’est la diversité des pratiques possibles qui est à mes yeux la dimension la plus intéressante de la marche nordique.
La seule LENTEUR ne suffirait pas à me satisfaire.
Je partage complètement le point de vue d’Angel :
Et je trouve ta réponse un peu rapide, sinon "abrupte". A vrai dire, je n'ai pas tout compris !
Sans entrer dans des grandes considérations techniques ou philosophiques, je prends un exemple tout simple : Un compétiteur qui effectue une sortie, ‘’tranquille’’ pour lui à 6,5 km/h, va considérer qu’il marche lentement. Une autre personne moins entraînée, qui marche à la même vitesse, va considérer qu’elle marche très vite et terminera probablement ‘‘rincée’’ après 1H ou 1H30 à ce rythme. Donc oui, la vitesse (ou la lenteur) est bien quelque chose de relatif.
Concernant les dimensions physique et spirituelle de la marche nordique
Non seulement je pense qu’elles ne sont pas contradictoires, mais au contraire tout à fait indissociables et complémentaires. Le fait de marcher ’’en conscience’’ comme c’est souvent évoqué est en effet un aspect essentiel dans notre pratique, ne serait-ce que pour avoir la conscience de la qualité de son geste. Mais il n’est pas indispensable de marcher lentement pour marcher en conscience (ce n’est pas exclu non plus). Le fait de sortir de sa ‘’zone de confort’’, de temps en temps, contribue aussi à mieux prendre conscience de son corps, de sa respiration, des battements de son cœur, de ses sensations.
En définitive, c’est la variété des allures dans une séance qui m’apporte le plus de bienfaits tant physiques que spirituels et qui me rend "heureux", pendant et après ma sortie. Les trailers connaissent bien cette pratique en nature, le Fartlek (‘’jeu de vitesse’’ en suédois, tiens, encore une référence scandinave). Eh oui, le jeu est aussi une source de PLAISIR. Et quel plaisir d’enchaîner des accélérations, plus ou moins rapides, plus ou moins longues, au gré de ses envies ! Et qu’est ce qu’on se sent bien pendant les phases de retour au calme, en pleine possession de ses moyens !
Par ailleurs toutes les activités d’endurance génèrent, grâce à une activité soutenue (mais non maximale) des endorphines, hormones du PLAISIR. Un sortie en permanence trop lente ne me fournit pas ‘’ma dose’’. C’est vrai, on devient vite "addic"t ! Mais il y a pire comme addiction.
Au final, je trouve que c’est cette variété qui contribue à acquérir cette pleine conscience et qui nous fait progresser, tant physiquement de spirituellement.
Alors non, je ne partage ces points de vue qui rejettent la notion d'effort, et que je reçois comme une mise en accusation de ceux qui l'acceptent :
Sans tomber dans "l’obsession de la vitesse’’ ni dans le masochisme, je reste persuadé que l’acceptation d’une certaine forme de dépassement n’est pas incompatible avec la maîtrise du souffle (ni avec la marche nordique), bien au contraire !!!
Concernant les jeunes
Tout à fait d'accord, la promotion de notre pratique auprès de jeunes serait la bienvenue. Il y a là un beau défi et un superbe champ de réflexion à explorer.
Mais je doute qu’une pratique lente de la marche nordique soit de nature à les motiver, eux qui aspirent à marquer des buts, courir plus vite, sauter plus haut ou terrasser leur copain au judo. Je crois plus, pour eux, à la recherche de modalités ludiques de pratiquer… pour leur PLAISIR, encore ! Peut-être des alternatives à trouver dans ce sens !?
Et pour "les vieux" (dont je fais partie), si si ils ont le choix... à leur rythme !
Je vais m’arrêter là, j’ai déjà été bien long, mais cela appellerait une autre réflexion sur laquelle je reviendrai peut-être: celui de PROGRES que je considère être, lui aussi, une des composantes de la notion de PLAISIR.
Je doute que nos points de vue soient conciliables, mais ce n’est pas grave, la controverse fait aussi partie du PLAISIR d’échanger sur notre passion commune. L’important c'est, au final - et conformément d’ailleurs à des valeurs de la philosophie bouddhiste- de le faire dans un esprit de tolérance et de bienveillance.
Au fait, y a-t-il beaucoup de marcheurs nordiques chez les moines bouddhistes ou les sages chinois ? Il me semble que la seule méditation leur suffise, éventuellement associée à une "pratique douce" comme le Taï chi, le Qi gong ou le yoga, voire la MARCHE LENTE en effet, mais ils n’ont pas besoin de bâtons pour cela.
Pour celles et ceux que ça intéresse, je vous invite à consulter aussi le blog perso que je viens de créer avec notamment une ‘’petite médiation de quadrupède’’. Le but est de partager une synthèse d’infos sur notre pratique, de réflexions et expériences personnelles et des suggestions de lectures tant pour améliorer notre pratique que pour "s’aérer l’esprit’’ avec des grands marcheurs… pas forcement nordiques :
Le blog de NordicPat
Sportivement (au sens large du terme )
NordicPat
Pour tous, désolé, je vais être un peu long mais le sujet -lié à d'autres sur l'esprit de la marche nordique-, me parait mériter un développement.
D'abord, BRAVO et MERCI Phiphilo
BRAVO
pour ta constance dans tes écrits et ton application à défendre une vision ''zen’’ de la marche nordique. BRAVO aussi pour ce dernier post un peu moins catégorique que certains où tu vas jusqu’à affirmer que la compétition est contraire à ''l’esprit de la marche nordique'' voire n’est que ce n’est pas du sport
Quoi que…
Phiphilo a écrit:Ce qui suggérerait que la marche n'est pas essentiellement ce qu'on appellerait une "activité physique" au même titre que le tennis, le cyclisme ou le water-polo, mais plutôt une manière de vivre en harmonie avec soi-même (détachement) et avec le monde (parcours).
MERCI
pour tes positions qui donnent l’occasion de s’interroger sur l’intérêt et le sens de notre pratique.
Personnellement, plutôt qu’un ELOGE DE LA LENTEUR, je suis plutôt partisan d’un ELOGE DU PLAISIR Et du plaisir, j’en prends beaucoup, à travers et grâce à différents formes de pratique de la marche nordique.
Oui j’apprécie des sorties ‘’soft’’ pour être au plus proche de la nature, me laisser aller à méditer tranquillement (tiens, hier notamment grâce à ce sujet sur la lenteur). Mais j’apprécie, aussi des sorties en groupe ou la convivialité prend le pas sur les ‘’échanges intérieurs’’, à des allures variées, ou encore des sorties individuelles plus toniques… et aussi la participation à une compétition de temps en temps.
A chaque type de sortie, son type de PLAISIR et c’est la diversité des pratiques possibles qui est à mes yeux la dimension la plus intéressante de la marche nordique.
La seule LENTEUR ne suffirait pas à me satisfaire.
Je partage complètement le point de vue d’Angel :
Angel a écrit:La notion de vitesse est relative.
Et je trouve ta réponse un peu rapide, sinon "abrupte". A vrai dire, je n'ai pas tout compris !
Phiphilo a écrit:Non, c'est la notion de lenteur qui est relative. Relative à un certain nombre de sensations kinesthésiques et coenesthésiques, en l'occurrence. La vitesse, quant à elle, c'est une distance rapportée à une unité de temps. C'est donc un absolu. Tout comme l'arrêt qui est la vitesse 0. C'est important parce que la lenteur ne dépend pas des indications de votre chronomètre. La vitesse, si.
Sans entrer dans des grandes considérations techniques ou philosophiques, je prends un exemple tout simple : Un compétiteur qui effectue une sortie, ‘’tranquille’’ pour lui à 6,5 km/h, va considérer qu’il marche lentement. Une autre personne moins entraînée, qui marche à la même vitesse, va considérer qu’elle marche très vite et terminera probablement ‘‘rincée’’ après 1H ou 1H30 à ce rythme. Donc oui, la vitesse (ou la lenteur) est bien quelque chose de relatif.
Concernant les dimensions physique et spirituelle de la marche nordique
Non seulement je pense qu’elles ne sont pas contradictoires, mais au contraire tout à fait indissociables et complémentaires. Le fait de marcher ’’en conscience’’ comme c’est souvent évoqué est en effet un aspect essentiel dans notre pratique, ne serait-ce que pour avoir la conscience de la qualité de son geste. Mais il n’est pas indispensable de marcher lentement pour marcher en conscience (ce n’est pas exclu non plus). Le fait de sortir de sa ‘’zone de confort’’, de temps en temps, contribue aussi à mieux prendre conscience de son corps, de sa respiration, des battements de son cœur, de ses sensations.
En définitive, c’est la variété des allures dans une séance qui m’apporte le plus de bienfaits tant physiques que spirituels et qui me rend "heureux", pendant et après ma sortie. Les trailers connaissent bien cette pratique en nature, le Fartlek (‘’jeu de vitesse’’ en suédois, tiens, encore une référence scandinave). Eh oui, le jeu est aussi une source de PLAISIR. Et quel plaisir d’enchaîner des accélérations, plus ou moins rapides, plus ou moins longues, au gré de ses envies ! Et qu’est ce qu’on se sent bien pendant les phases de retour au calme, en pleine possession de ses moyens !
Par ailleurs toutes les activités d’endurance génèrent, grâce à une activité soutenue (mais non maximale) des endorphines, hormones du PLAISIR. Un sortie en permanence trop lente ne me fournit pas ‘’ma dose’’. C’est vrai, on devient vite "addic"t ! Mais il y a pire comme addiction.
Au final, je trouve que c’est cette variété qui contribue à acquérir cette pleine conscience et qui nous fait progresser, tant physiquement de spirituellement.
Alors non, je ne partage ces points de vue qui rejettent la notion d'effort, et que je reçois comme une mise en accusation de ceux qui l'acceptent :
Phiphilo a écrit:D'où l'importance de la maîtrise du rythme, du souffle (气, qì), incompatible avec la précipitation et la souffrance caractéristiques de l'obsession de la vitesse
Une autre (bonne) raison est manifestement l'adhésion du plus grand nombre, donc, en particulier, du plus grand nombre de marcheur(se)s nordiques, à l'idéologie productiviste : faire le maximum (donc, en particulier, le maximum de kilomètres) dans le minimum de temps. Il y a peut-être d'autres raisons parmi lesquelles, sans doute, l'obsession judéo-chrétienne de la souffrance rédemptrice. Et peu importe : si certain(e)s y trouvent leur bonheur, grand bien leur fasse.
Sans tomber dans "l’obsession de la vitesse’’ ni dans le masochisme, je reste persuadé que l’acceptation d’une certaine forme de dépassement n’est pas incompatible avec la maîtrise du souffle (ni avec la marche nordique), bien au contraire !!!
Concernant les jeunes
Phiphilo a écrit:Mais pourquoi diable ne promeut-on pas de temps en temps, notamment à destination des jeunes (les vieux, eux, n'ont pas trop le choix !), une pratique lente de la marche nordique ?
Tout à fait d'accord, la promotion de notre pratique auprès de jeunes serait la bienvenue. Il y a là un beau défi et un superbe champ de réflexion à explorer.
Mais je doute qu’une pratique lente de la marche nordique soit de nature à les motiver, eux qui aspirent à marquer des buts, courir plus vite, sauter plus haut ou terrasser leur copain au judo. Je crois plus, pour eux, à la recherche de modalités ludiques de pratiquer… pour leur PLAISIR, encore ! Peut-être des alternatives à trouver dans ce sens !?
Et pour "les vieux" (dont je fais partie), si si ils ont le choix... à leur rythme !
Je vais m’arrêter là, j’ai déjà été bien long, mais cela appellerait une autre réflexion sur laquelle je reviendrai peut-être: celui de PROGRES que je considère être, lui aussi, une des composantes de la notion de PLAISIR.
Je doute que nos points de vue soient conciliables, mais ce n’est pas grave, la controverse fait aussi partie du PLAISIR d’échanger sur notre passion commune. L’important c'est, au final - et conformément d’ailleurs à des valeurs de la philosophie bouddhiste- de le faire dans un esprit de tolérance et de bienveillance.
Au fait, y a-t-il beaucoup de marcheurs nordiques chez les moines bouddhistes ou les sages chinois ? Il me semble que la seule méditation leur suffise, éventuellement associée à une "pratique douce" comme le Taï chi, le Qi gong ou le yoga, voire la MARCHE LENTE en effet, mais ils n’ont pas besoin de bâtons pour cela.
Pour celles et ceux que ça intéresse, je vous invite à consulter aussi le blog perso que je viens de créer avec notamment une ‘’petite médiation de quadrupède’’. Le but est de partager une synthèse d’infos sur notre pratique, de réflexions et expériences personnelles et des suggestions de lectures tant pour améliorer notre pratique que pour "s’aérer l’esprit’’ avec des grands marcheurs… pas forcement nordiques :
Le blog de NordicPat
Sportivement (au sens large du terme )
NordicPat
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour NordicPat.
Tout d'abord merci d'avoir pris le temps de me lire et de me répondre. Je vais tâcher d'en faire autant.
Vous faites l'éloge du plaisir. Pourquoi pas ? C'est déjà autre chose que de faire l'éloge de la douleur, éloge implicite dans les images héroïsées de ces corps déformés par la souffrance qui sont ceux d'icônes médiatiques surentraînées, surexploitées et, souvent aussi surpayées, auxquelles nos jeunes tendent, malheureusement, à s'identifier. J'objecterai cependant que la notion de plaisir est assez différente de celle de lenteur. D'abord le plaisir ne se maîtrise pas, ne se contrôle pas : on l'éprouve immédiatement, souvent sans savoir pourquoi (de même d'ailleurs que son opposé, la douleur, cf. à ce sujet la Recherche de Proust). Du coup, lorsqu'il surgit, toujours à l'improviste, on est incapable de le faire durer. On peut éprouver un plaisir immense à découvrir un paysage ou à échanger avec une personne, et, partant, en garder un souvenir impérissable. Il n'empêche que ce plaisir aura été instantané, fugitif. Bref, il est impossible de cultiver le plaisir. Paradoxalement, les hédonistes (c'est-à-dire ceux qui ont fait l'éloge du plaisir comme valeur suprême) sont tout aussi malheureux et insatisfaits que ceux qui prônent la valeur rédemptrice de la souffrance. Pire, il sont parfois plus cyniques et tyranniques dans l'urgence de profiter égoïstement de l'instant plaisant (cf. la figure de Don Juan).
Par contraste, la lenteur, pour peu qu'on en prenne pleinement conscience et qu'on la cultive en conséquence, s'inscrit dans une continuité, une voie. C'est là l'enseignement du 道, dào. Sachant que tout, dans la nature, y compris, donc, dans la nature humaine, n'est que flux et reflux perpétuels, 阴, yīn et 阳, yáng, donc que vaine est la recherche du plaisir car au plaisir succédera immanquablement la peine et à la peine le plaisir et ainsi de suite, indéfiniment. Dès lors, le sage, le conscient, l'éveillé, appelez-le comme vous voudrez, est celui ou celle qui admettra justement que ce n'est pas l'instant qui compte, fût-il exceptionnellement plaisant, mais que c'est le devenir, le passage, le tout, pas la partie. Or ce passage, cette transformation sont toujours lents, on passe toujours progressivement d'un état agréable à un autre désagréable, d'un état paisible à un autre agité, etc. Et ce passage est inéluctable. Pourquoi alors vouloir brusquer les choses ? Pourquoi vouloir précipiter la survenance, au demeurant inévitalbe, de l'agréable en minimisant le désagréable, tout aussi inévitable : à la montée succède la descente, au vent de face le vent de dos, à l'échauffement le refroidissement, etc. C'est cela, la lenteur : prendre conscience de la durée, de l'écoulement du temps. Les Chinois, pour souhaiter un prompt rétablissement à un malade, disent 万寿无疆, wàn shòu wú jiāng, c'est-à-dire "encore dix-mille anniversaires". Et pour souhaiter le bon appétit, 慢用, màn yòng, "mangez lentement".
C'est en ce sens que j'écrivais que
La lenteur, en effet, dépend de ces myriades de sensations relatives au mouvement externe (kinesthésiques) et à l'état interne du corps (coenesthésiques), lesquelles sont relatives à la prise de conscience des circonstances dans lesquelles vous évoluez. Tandis que la vitesse est un absolu mathématique : la vitesse moyenne est un rapport distance/temps et la vitesse instantanée la dérivée de ce rapport en un point donné. Elle n'a donc pas de contraire. Ce n'est pas parce qu'on diminue sa vitesse qu'on est dans la lenteur : si votre vitesse baisse par suite d'un épuisement de votre énergie motrice, vous allez souffrir, mais comme vous ne maîtrisez rien, que vous n'avez aucune conscience du processus, ou, pire, que vous ferez tout pour maintenir en vain une vitesse déclinante, vous n'agirez pas pour autant avec lenteur. A l'inverse, si vous vous vous sentez bien et que vous augmentez progressivement votre vitesse en veillant à rester en-deçà du seuil de souffrance, en contrôlant votre souffle, en maîtrisant vos appuis, en restant à l'écoute de tous vos mouvements et de toutes vos sensations, vous allez allez prendre conscience d'une harmonie de votre être avec votre environnement. Voilà la lenteur. Ce n'est pas le contraire de la vitesse mais plutôt celui de l'agitation, de la précipitation, de l'énervement, de l'hystérie, etc.
Aussi suis-je pleinement d'accord avec vous lorsque vous écrivez :
Sauf que, de mon point de vue, tout cela n'a rien à voir avec le plaisir mais découle de la prise de conscience de la maîtrise d'un processus intra-corporel qui, en fonction de diverses circonstances, se trouve vibrer à l'unisson des conditions extra-corporelles de ce même processus. La lenteur, encore une fois, n'est pas une absence de vitesse, mais une harmonie, une résonance, au sens musical du terme, un accord entre la terre qui est au-dessous de vous, le ciel qui est au-dessus de vous, et vous qui êtes entre les deux.
Quant à votre question :
Je répondrai :
- que la sagesse chinoise est vieille de trois millénaires, ce qui dépasse un petit peu la durée d'existence de la marche nordique
- que la marche en général est, comme circonstance privilégiée d'une prise de conscience du devenir, emblématique de la pensée taoïste : ce n'est pas pour rien que le sinogramme 道 (dào) est composé de deux caractères : 辶 qui représente la marche et頁qui représente la conscience
- enfin que, dans toutes les civilisations (pas seulement en Chine), depuis la nuit des temps, les sages ont toujours été représentés comme cheminant paisiblement appuyés sur un bâton (cf. ICI).
Pardon, à mon tour, d'avoir été un peu long. Toutefois aurons-nous, l'un comme l'autre, procédé avec lenteur ou, comme le dit l'expression chinoise 慢条斯理, màn tiáo sī lǐ, aurons-nous "tracé un chemin sans nous y brûler".
PhiPhilo.
Tout d'abord merci d'avoir pris le temps de me lire et de me répondre. Je vais tâcher d'en faire autant.
Vous faites l'éloge du plaisir. Pourquoi pas ? C'est déjà autre chose que de faire l'éloge de la douleur, éloge implicite dans les images héroïsées de ces corps déformés par la souffrance qui sont ceux d'icônes médiatiques surentraînées, surexploitées et, souvent aussi surpayées, auxquelles nos jeunes tendent, malheureusement, à s'identifier. J'objecterai cependant que la notion de plaisir est assez différente de celle de lenteur. D'abord le plaisir ne se maîtrise pas, ne se contrôle pas : on l'éprouve immédiatement, souvent sans savoir pourquoi (de même d'ailleurs que son opposé, la douleur, cf. à ce sujet la Recherche de Proust). Du coup, lorsqu'il surgit, toujours à l'improviste, on est incapable de le faire durer. On peut éprouver un plaisir immense à découvrir un paysage ou à échanger avec une personne, et, partant, en garder un souvenir impérissable. Il n'empêche que ce plaisir aura été instantané, fugitif. Bref, il est impossible de cultiver le plaisir. Paradoxalement, les hédonistes (c'est-à-dire ceux qui ont fait l'éloge du plaisir comme valeur suprême) sont tout aussi malheureux et insatisfaits que ceux qui prônent la valeur rédemptrice de la souffrance. Pire, il sont parfois plus cyniques et tyranniques dans l'urgence de profiter égoïstement de l'instant plaisant (cf. la figure de Don Juan).
Par contraste, la lenteur, pour peu qu'on en prenne pleinement conscience et qu'on la cultive en conséquence, s'inscrit dans une continuité, une voie. C'est là l'enseignement du 道, dào. Sachant que tout, dans la nature, y compris, donc, dans la nature humaine, n'est que flux et reflux perpétuels, 阴, yīn et 阳, yáng, donc que vaine est la recherche du plaisir car au plaisir succédera immanquablement la peine et à la peine le plaisir et ainsi de suite, indéfiniment. Dès lors, le sage, le conscient, l'éveillé, appelez-le comme vous voudrez, est celui ou celle qui admettra justement que ce n'est pas l'instant qui compte, fût-il exceptionnellement plaisant, mais que c'est le devenir, le passage, le tout, pas la partie. Or ce passage, cette transformation sont toujours lents, on passe toujours progressivement d'un état agréable à un autre désagréable, d'un état paisible à un autre agité, etc. Et ce passage est inéluctable. Pourquoi alors vouloir brusquer les choses ? Pourquoi vouloir précipiter la survenance, au demeurant inévitalbe, de l'agréable en minimisant le désagréable, tout aussi inévitable : à la montée succède la descente, au vent de face le vent de dos, à l'échauffement le refroidissement, etc. C'est cela, la lenteur : prendre conscience de la durée, de l'écoulement du temps. Les Chinois, pour souhaiter un prompt rétablissement à un malade, disent 万寿无疆, wàn shòu wú jiāng, c'est-à-dire "encore dix-mille anniversaires". Et pour souhaiter le bon appétit, 慢用, màn yòng, "mangez lentement".
C'est en ce sens que j'écrivais que
c'est la notion de lenteur qui est relative. Relative à un certain nombre de sensations kinesthésiques et coenesthésiques, en l'occurrence. La vitesse, quant à elle, c'est une distance rapportée à une unité de temps. C'est donc un absolu. Tout comme l'arrêt qui est la vitesse 0. C'est important parce que la lenteur ne dépend pas des indications de votre chronomètre. La vitesse, si.
La lenteur, en effet, dépend de ces myriades de sensations relatives au mouvement externe (kinesthésiques) et à l'état interne du corps (coenesthésiques), lesquelles sont relatives à la prise de conscience des circonstances dans lesquelles vous évoluez. Tandis que la vitesse est un absolu mathématique : la vitesse moyenne est un rapport distance/temps et la vitesse instantanée la dérivée de ce rapport en un point donné. Elle n'a donc pas de contraire. Ce n'est pas parce qu'on diminue sa vitesse qu'on est dans la lenteur : si votre vitesse baisse par suite d'un épuisement de votre énergie motrice, vous allez souffrir, mais comme vous ne maîtrisez rien, que vous n'avez aucune conscience du processus, ou, pire, que vous ferez tout pour maintenir en vain une vitesse déclinante, vous n'agirez pas pour autant avec lenteur. A l'inverse, si vous vous vous sentez bien et que vous augmentez progressivement votre vitesse en veillant à rester en-deçà du seuil de souffrance, en contrôlant votre souffle, en maîtrisant vos appuis, en restant à l'écoute de tous vos mouvements et de toutes vos sensations, vous allez allez prendre conscience d'une harmonie de votre être avec votre environnement. Voilà la lenteur. Ce n'est pas le contraire de la vitesse mais plutôt celui de l'agitation, de la précipitation, de l'énervement, de l'hystérie, etc.
Aussi suis-je pleinement d'accord avec vous lorsque vous écrivez :
NordicPat a écrit:Concernant les dimensions physique et spirituelle de la marche nordique.
Non seulement je pense qu’elles ne sont pas contradictoires, mais au contraire tout à fait indissociables et complémentaires. Le fait de marcher ’’en conscience’’ comme c’est souvent évoqué est en effet un aspect essentiel dans notre pratique, ne serait-ce que pour avoir la conscience de la qualité de son geste. [...]
En définitive, c’est la variété des allures dans une séance qui m’apporte le plus de bienfaits tant physiques que spirituels et qui me rend "heureux", pendant et après ma sortie. Les trailers connaissent bien cette pratique en nature, le Fartlek (‘’jeu de vitesse’’ en suédois, tiens, encore une référence scandinave). Eh oui, le jeu est aussi une source de PLAISIR. Et quel plaisir d’enchaîner des accélérations, plus ou moins rapides, plus ou moins longues, au gré de ses envies ! Et qu’est ce qu’on se sent bien pendant les phases de retour au calme, en pleine possession de ses moyens !
Sauf que, de mon point de vue, tout cela n'a rien à voir avec le plaisir mais découle de la prise de conscience de la maîtrise d'un processus intra-corporel qui, en fonction de diverses circonstances, se trouve vibrer à l'unisson des conditions extra-corporelles de ce même processus. La lenteur, encore une fois, n'est pas une absence de vitesse, mais une harmonie, une résonance, au sens musical du terme, un accord entre la terre qui est au-dessous de vous, le ciel qui est au-dessus de vous, et vous qui êtes entre les deux.
Quant à votre question :
Nordic Pat a écrit:Au fait, y a-t-il beaucoup de marcheurs nordiques chez les moines bouddhistes ou les sages chinois ? Il me semble que la seule méditation leur suffise, éventuellement associée à une "pratique douce" comme le Taï chi, le Qi gong ou le yoga, voire la MARCHE LENTE en effet, mais ils n’ont pas besoin de bâtons pour cela.
Je répondrai :
- que la sagesse chinoise est vieille de trois millénaires, ce qui dépasse un petit peu la durée d'existence de la marche nordique
- que la marche en général est, comme circonstance privilégiée d'une prise de conscience du devenir, emblématique de la pensée taoïste : ce n'est pas pour rien que le sinogramme 道 (dào) est composé de deux caractères : 辶 qui représente la marche et頁qui représente la conscience
- enfin que, dans toutes les civilisations (pas seulement en Chine), depuis la nuit des temps, les sages ont toujours été représentés comme cheminant paisiblement appuyés sur un bâton (cf. ICI).
Pardon, à mon tour, d'avoir été un peu long. Toutefois aurons-nous, l'un comme l'autre, procédé avec lenteur ou, comme le dit l'expression chinoise 慢条斯理, màn tiáo sī lǐ, aurons-nous "tracé un chemin sans nous y brûler".
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour Phiphilo, et à tous
Quelques réactions sur ce retour, évidemment. Mais je vais tâcher de rester concis cette fois pour éviter de lasser les lecteurs de ces posts.
Au final, il ne s’agit pas pour moi de disserter à l'infini, ni sur la lenteur ni le plaisir. Le but de ce blog étant d’échanger sur la marche nordique, mon seul message est tout simple :
J’y prends du PLAISIR et en tire plein de bienfaits (pour le corps ET pour l'esprit), grâce à toutes les palettes de possibilités qu’elle nous offre. Et pas seulement la LENTEUR.
Juste, sur la dimension spirituelle (ou philosophique ?)
Et c’est pour cela qu’il me semble souhaitable de la laisser la marche nordique à son niveau : une belle activité physique, de bien-être, sportive pour ceux qui le souhaitent, spirituelle pour ceux qui le veulent.
Mais je propose de laisser les sages et les marcheurs nordiques chacun à leur place, même si des passerelles peuvent lancées entre les deux.
Bonne marche, lente ou pas !
NordicPat
Quelques réactions sur ce retour, évidemment. Mais je vais tâcher de rester concis cette fois pour éviter de lasser les lecteurs de ces posts.
Oui bien sûr, et ça n'a même pas grand chose à voirPhiphilo a écrit:J'objecterai cependant que la notion de plaisir est assez différente de celle de lenteur.
En ce qui me concerne, je sais pourquoi mes sorties de marche nordique me procurent du plaisir (cf mon développement), et il n’arrive pas à l’improviste, je vais le chercher. Il n’est ni « instantané » ni « fugitif ». Impossible de le cultiver ? Moi je le fais sans problème (grâce à la marche nordique, mais pas que…) !!!Phiphilo a écrit:D'abord le plaisir ne se maîtrise pas, ne se contrôle pas : on l'éprouve immédiatement, souvent sans savoir pourquoi (de même d'ailleurs que son opposé, la douleur, cf. à ce sujet la Recherche de Proust). Du coup, lorsqu'il surgit, toujours à l'improviste, on est incapable de le faire durer. On peut éprouver un plaisir immense à découvrir un paysage ou à échanger avec une personne, et, partant, en garder un souvenir impérissable. Il n'empêche que ce plaisir aura été instantané, fugitif. Bref, il est impossible de cultiver le plaisir.
Je ne sais pas si je suis hédoniste, mais je sais que je ne suis pas malheureux, et je n’ai pas trop le sentiment non plus d’être égoïste. Le plaisir comme valeur suprême ? Non certainement pas, mais il vaut mieux se faire du bien que de broyer du noir.Phiphilo a écrit:Paradoxalement, les hédonistes (c'est-à-dire ceux qui ont fait l'éloge du plaisir comme valeur suprême) sont tout aussi malheureux et insatisfaits que ceux qui prônent la valeur rédemptrice de la souffrance. Pire, il sont parfois plus cyniques et tyranniques dans l'urgence de profiter égoïstement de l'instant plaisant (cf. la figure de Don Juan).
Au final, il ne s’agit pas pour moi de disserter à l'infini, ni sur la lenteur ni le plaisir. Le but de ce blog étant d’échanger sur la marche nordique, mon seul message est tout simple :
J’y prends du PLAISIR et en tire plein de bienfaits (pour le corps ET pour l'esprit), grâce à toutes les palettes de possibilités qu’elle nous offre. Et pas seulement la LENTEUR.
Juste, sur la dimension spirituelle (ou philosophique ?)
EVIDEMMENT !!! C'est bien ce que je voulais dire, ils n'ont pas eu besoin de la marche nordique.Phiphilo a écrit:la sagesse chinoise est vieille de trois millénaires, ce qui dépasse un petit peu la durée d'existence de la marche nordique
Et c’est pour cela qu’il me semble souhaitable de la laisser la marche nordique à son niveau : une belle activité physique, de bien-être, sportive pour ceux qui le souhaitent, spirituelle pour ceux qui le veulent.
Mais je propose de laisser les sages et les marcheurs nordiques chacun à leur place, même si des passerelles peuvent lancées entre les deux.
Bonne marche, lente ou pas !
NordicPat
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour
Merci pour vos discussions passionnantes
J'ai bien noté dans celles-ci cette phrase de @phiphilo
Gérard
Merci pour vos discussions passionnantes
J'ai bien noté dans celles-ci cette phrase de @phiphilo
Effectivement ces sont ces sensations que l'on peut rechercher dans nos sorties de Marche Nordique et que l'on ne peut éprouver à mon avis que lorsque l'on marche seul .A l'inverse, si vous vous vous sentez bien et que vous augmentez progressivement votre vitesse en veillant à rester en-deçà du seuil de souffrance, en contrôlant votre souffle, en maîtrisant vos appuis, en restant à l'écoute de tous vos mouvements et de toutes vos sensations, vous allez allez prendre conscience d'une harmonie de votre être avec votre environnement. Voilà la lenteur. Ce n'est pas le contraire de la vitesse mais plutôt celui de l'agitation, de la précipitation, de l'énervement, de l'hystérie, etc.
Gérard
Gege- Membre 5 ansMembre 5 ans
Re: Eloge de la lenteur.
Salut NordicPat, salut Gege et salut à tous et à toutes !
Moi dont la langue natale n'est pas le français, suis toujours étonné de certains tics de langage qu'on trouve en français, par exemple, cette habitude d'accommoder le mot "plaisir" à toutes les sauces (l'écrivain prend du "plaisir" à écrire, le lecteur à lire, le manager à manager, voire même le travailleur à travailler, sans oublier le sportif qui prend du plaisir à ... souffrir !!!). Or le plaisir est, d'un point de vue biologique, un mécanisme de récompense (cf. les études fameuses sur les rats), donc de renforcement de la motivation propre à entretenir la survie de l'individu et de l'espèce. Donc, d'une part, celui-ci se présente toujours inopinément pour marquer les comportements à renforcer, et les études faites sur les addictions montrent que, pour une cause déclenchante de dopamine (hormone du plaisir) donnée, la réponse va diminuant lorsque les occurrences de cette cause se multiplient (d'où la nécessité d'"augmenter les doses"). Et, d'autre part, même si un conditionnement à la recherche du plaisir est certainement plus sain qu'un conditionnement à la douleur (encore que l'exemple de certains sportifs montre que les deux peuvent tout à fait se rencontrer dans le masochisme), éduquer la jeunesse en lui présentant le plaisir comme la récompense suprême, sinon unique, de tout acte, c'est l'encourager à œuvrer pour la récompense à tout prix, avec tous les travers que cela suppose en termes de tricherie et, in fine, de désillusion. Bref, le plaisir ne peut être qu'un effet causal aléatoire et non pas un but à poursuivre intentionnellement. Je ne comprends donc pas très bien en quoi peut consister une "culture" du plaisir.
Là encore, pourquoi vouloir séparer ce qui est uni par essence ? La marche n'est nullement une "activité physique", en tout cas pas au sens où le sont les activités sportives. Depuis la nuit des temps, la marche complétée par l'usage d'un bâton est une nécessité vitale pour les civilisations nomades. Et pour les sédentaires, elle est restée le symbole du cheminement tortueux et incertain de l'existence : toute la pensée chinoise de la Voie (道, dào) est contenue dans ce symbolisme. Raison pour laquelle la sagesse y est toujours représentée sous les traits d'un vieil homme qui médite en se promenant ou en voyageant appuyé sur son bâton. La marche nordique ne fait que réactiver ce vieil atavisme. C'est ce qui en fait la grandeur.
Pas forcément seul, mais certainement en évitant de trop bavarder. Rien n'est plus nuisible à la concentration, à la méditation et à l'écoute que le bavardage.
PhiPhilo.
NordicPat a écrit:En ce qui me concerne, je sais pourquoi mes sorties de marche nordique me procurent du plaisir (cf mon développement), et il n’arrive pas à l’improviste, je vais le chercher. Il n’est ni « instantané » ni « fugitif ». Impossible de le cultiver ? Moi je le fais sans problème (grâce à la marche nordique, mais pas que…) !!!
Moi dont la langue natale n'est pas le français, suis toujours étonné de certains tics de langage qu'on trouve en français, par exemple, cette habitude d'accommoder le mot "plaisir" à toutes les sauces (l'écrivain prend du "plaisir" à écrire, le lecteur à lire, le manager à manager, voire même le travailleur à travailler, sans oublier le sportif qui prend du plaisir à ... souffrir !!!). Or le plaisir est, d'un point de vue biologique, un mécanisme de récompense (cf. les études fameuses sur les rats), donc de renforcement de la motivation propre à entretenir la survie de l'individu et de l'espèce. Donc, d'une part, celui-ci se présente toujours inopinément pour marquer les comportements à renforcer, et les études faites sur les addictions montrent que, pour une cause déclenchante de dopamine (hormone du plaisir) donnée, la réponse va diminuant lorsque les occurrences de cette cause se multiplient (d'où la nécessité d'"augmenter les doses"). Et, d'autre part, même si un conditionnement à la recherche du plaisir est certainement plus sain qu'un conditionnement à la douleur (encore que l'exemple de certains sportifs montre que les deux peuvent tout à fait se rencontrer dans le masochisme), éduquer la jeunesse en lui présentant le plaisir comme la récompense suprême, sinon unique, de tout acte, c'est l'encourager à œuvrer pour la récompense à tout prix, avec tous les travers que cela suppose en termes de tricherie et, in fine, de désillusion. Bref, le plaisir ne peut être qu'un effet causal aléatoire et non pas un but à poursuivre intentionnellement. Je ne comprends donc pas très bien en quoi peut consister une "culture" du plaisir.
NordicPat a écrit:Et c’est pour cela qu’il me semble souhaitable de la laisser la marche nordique à son niveau : une belle activité physique, de bien-être, sportive pour ceux qui le souhaitent, spirituelle pour ceux qui le veulent.
Mais je propose de laisser les sages et les marcheurs nordiques chacun à leur place, même si des passerelles peuvent lancées entre les deux.
Là encore, pourquoi vouloir séparer ce qui est uni par essence ? La marche n'est nullement une "activité physique", en tout cas pas au sens où le sont les activités sportives. Depuis la nuit des temps, la marche complétée par l'usage d'un bâton est une nécessité vitale pour les civilisations nomades. Et pour les sédentaires, elle est restée le symbole du cheminement tortueux et incertain de l'existence : toute la pensée chinoise de la Voie (道, dào) est contenue dans ce symbolisme. Raison pour laquelle la sagesse y est toujours représentée sous les traits d'un vieil homme qui médite en se promenant ou en voyageant appuyé sur son bâton. La marche nordique ne fait que réactiver ce vieil atavisme. C'est ce qui en fait la grandeur.
Gege a écrit:Effectivement ces sont ces sensations que l'on peut rechercher dans nos sorties de Marche Nordique et que l'on ne peut éprouver à mon avis que lorsque l'on marche seul .
Pas forcément seul, mais certainement en évitant de trop bavarder. Rien n'est plus nuisible à la concentration, à la méditation et à l'écoute que le bavardage.
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour les marcheuses et marcheurs,
Allez, une petite dernière réponse à Phiphilo sur ce sujet. Et je m'arrêterai là.
Non pas que ça n'a pas d'intérêt, au contraire c'est super que nous n'ayons pas les mêmes points de vue, et c'est heureux qu’il en soit ainsi : si nous étions tous d'accord, les discussions ne seraient pas aussi intéressantes !!!
Mais j’en resterai pour ma part sur ce constat d’une façon différente de voir les choses.
Je n’ai pas le sentiment que toutes celles et ceux qui évoquent régulièrement, dans ce forum, le plaisir qu’ils ont à pratiquer la marche nordique soient bourrés de tics. (des tiques, oui j’en attrape pas mal en ce moment mais c’est autre chose …) De même, je ne suis pas convaincu que seul le français fasse référence au terme de plaisir. Il doit pouvoir se traduire dans toutes les langues (et certainement en chinois aussi !?)
Je ne partage toujours pas l’idée de l’aspect aléatoire. Un « effet causal », oui en effet, le plaisir est bien causé par quelques chose. Concrètement pour moi ce matin, par une belle sortie en forêt pendant laquelle j’ai eu le… plaisir (pardon !) de me sentir bien, d’apprécier le chant des oiseaux (particulièrement bavards aujourd’hui), d’apprécier un multitude d’odeurs après la pluie du matin, de me mouiller les pieds et de ‘’me faire’’ quelques belles grimpettes en faisant monter les pulsations aussi. Eh bien oui, j’assume le fait d'avoir pris les bâtons pour ça, c’était bien dans le but intentionnel de me faire plaisir. Est-ce pour autant une « culture du plaisir » ? Je ne sais pas non plus ce que c’est !
Pour en terminer, encore une fois Phiphilo, le fait que nous ne partagions pas les mêmes idées ne me gêne pas, c’est même ce qui me donne le plaisir (re-pardon) d’échanger en ce moment.
Je suis en revanche gêné par la différence de nos approches dialectiques.
Je reste pour ma part sur un plan très personnel, où j’exprime MON point de vue, fait part de MES sensations personnelles, sans chercher à les imposer à quiconque. Je suis surpris que quelqu’un de culture asiatique apparemment, assène des VERITES ABSOLUES, qui sont en fait TA façon de voir les choses, je n’en doute pas et je le respecte, mais dont je ne vois pas en quoi elle doivent s’imposer à tous comme une REALITE indiscutable.
Je ne suis pas un expert de la philosophie taoïste (beaucoup moins que toi je suppose) mais j’apprécie la citation de Lao-Tseu : « Connaître, c’est ne pas connaître : voilà l’excellence. Ne pas connaître, c’est connaître : voilà l’erreur. »
Quand à la philosophie bouddhiste, qui m'est un peu plus familière, sans être pour autant un grand expert non plus, ce petit passage de Matthieu Ricard (l’ambassadeur français du Dalaï-Lama pour ceux qui ne connaissent pas) dans son essai «L’art de l a médiation » me semble très intéressant dans le même ordre d’idées :
« Que faut-il entendre par réalité ? Selon le bouddhisme, il s'agit de la nature véritable des choses, non modifiée par les fabrications mentales qui creusent un fossé entre la façon dont les choses nous apparaissent et ce qu'elles sont véritablement. Ce désaccord engendre d'incessants conflits avec le monde… Les choses nous apparaissent comme étant intrinsèquement « plaisantes » ou « déplaisantes », et les gens comme fondamentalement « bons » ou « mauvais ». Le « moi » qui les perçoit nous semble tout aussi réel et concret. Cette méprise, que le bouddhisme appelle ignorance, engendre de puissants réflexes d'attachement et d'aversion qui mènent généralement à une kyrielle de souffrances"
J’en tire pour ma part une morale : restons humbles et tolérants !
Tout ça nous entraîne bien loin de marche nordique, alors je persiste et signe en souhaitant à tout le monde de se faire plaisir en marchant nordique.
NordicPat
Allez, une petite dernière réponse à Phiphilo sur ce sujet. Et je m'arrêterai là.
Non pas que ça n'a pas d'intérêt, au contraire c'est super que nous n'ayons pas les mêmes points de vue, et c'est heureux qu’il en soit ainsi : si nous étions tous d'accord, les discussions ne seraient pas aussi intéressantes !!!
Mais j’en resterai pour ma part sur ce constat d’une façon différente de voir les choses.
Phiphilo a écrit:Moi dont la langue natale n'est pas le français, suis toujours étonné de certains tics de langage qu'on trouve en français, par exemple, cette habitude d'accommoder le mot "plaisir" à toutes les sauces
Je n’ai pas le sentiment que toutes celles et ceux qui évoquent régulièrement, dans ce forum, le plaisir qu’ils ont à pratiquer la marche nordique soient bourrés de tics. (des tiques, oui j’en attrape pas mal en ce moment mais c’est autre chose …) De même, je ne suis pas convaincu que seul le français fasse référence au terme de plaisir. Il doit pouvoir se traduire dans toutes les langues (et certainement en chinois aussi !?)
Phiphilo a écrit:Bref, le plaisir ne peut être qu'un effet causal aléatoire et non pas un but à poursuivre intentionnellement. Je ne comprends donc pas très bien en quoi peut consister une "culture" du plaisir.
Je ne partage toujours pas l’idée de l’aspect aléatoire. Un « effet causal », oui en effet, le plaisir est bien causé par quelques chose. Concrètement pour moi ce matin, par une belle sortie en forêt pendant laquelle j’ai eu le… plaisir (pardon !) de me sentir bien, d’apprécier le chant des oiseaux (particulièrement bavards aujourd’hui), d’apprécier un multitude d’odeurs après la pluie du matin, de me mouiller les pieds et de ‘’me faire’’ quelques belles grimpettes en faisant monter les pulsations aussi. Eh bien oui, j’assume le fait d'avoir pris les bâtons pour ça, c’était bien dans le but intentionnel de me faire plaisir. Est-ce pour autant une « culture du plaisir » ? Je ne sais pas non plus ce que c’est !
Je peux t’assurer que ma sortie de ce matin (13 bornes avec un beau dénivelé et quelques jolis singles tracks bien techniques) était bien une activité physique !!! Et quand il m’arrive de porter un dossard, j’ai bien le sentiment de faire du sport.Phiphilo a écrit:Là encore, pourquoi vouloir séparer ce qui est uni par essence ? La marche n'est nullement une "activité physique", en tout cas pas au sens où le sont les activités sportives
Pour en terminer, encore une fois Phiphilo, le fait que nous ne partagions pas les mêmes idées ne me gêne pas, c’est même ce qui me donne le plaisir (re-pardon) d’échanger en ce moment.
Je suis en revanche gêné par la différence de nos approches dialectiques.
Je reste pour ma part sur un plan très personnel, où j’exprime MON point de vue, fait part de MES sensations personnelles, sans chercher à les imposer à quiconque. Je suis surpris que quelqu’un de culture asiatique apparemment, assène des VERITES ABSOLUES, qui sont en fait TA façon de voir les choses, je n’en doute pas et je le respecte, mais dont je ne vois pas en quoi elle doivent s’imposer à tous comme une REALITE indiscutable.
Je ne suis pas un expert de la philosophie taoïste (beaucoup moins que toi je suppose) mais j’apprécie la citation de Lao-Tseu : « Connaître, c’est ne pas connaître : voilà l’excellence. Ne pas connaître, c’est connaître : voilà l’erreur. »
Quand à la philosophie bouddhiste, qui m'est un peu plus familière, sans être pour autant un grand expert non plus, ce petit passage de Matthieu Ricard (l’ambassadeur français du Dalaï-Lama pour ceux qui ne connaissent pas) dans son essai «L’art de l a médiation » me semble très intéressant dans le même ordre d’idées :
« Que faut-il entendre par réalité ? Selon le bouddhisme, il s'agit de la nature véritable des choses, non modifiée par les fabrications mentales qui creusent un fossé entre la façon dont les choses nous apparaissent et ce qu'elles sont véritablement. Ce désaccord engendre d'incessants conflits avec le monde… Les choses nous apparaissent comme étant intrinsèquement « plaisantes » ou « déplaisantes », et les gens comme fondamentalement « bons » ou « mauvais ». Le « moi » qui les perçoit nous semble tout aussi réel et concret. Cette méprise, que le bouddhisme appelle ignorance, engendre de puissants réflexes d'attachement et d'aversion qui mènent généralement à une kyrielle de souffrances"
J’en tire pour ma part une morale : restons humbles et tolérants !
Tout ça nous entraîne bien loin de marche nordique, alors je persiste et signe en souhaitant à tout le monde de se faire plaisir en marchant nordique.
NordicPat
Eloge de la lenteur en marche nordique
Bonjour à tous
Débat philosophique; intéressant et très très "long et lent" sur la lenteur en marche nordique !!
Je me disais dans ce contexte "Zen" de la marche pourquoi une pratique de la marche nordique , je pense que c'est tout simplement de la marche avec bâtons (type randonnée) qui est également une belle pratique mais différente de la MN
Je ne crois pas que c'est l'esprit de la marche nordique ; dans les écrits de Philophilo il me manque tous les aspects techniques (bénéfiques au corps) la posture; la gestuelle bénéfique à l'harmonie de la musculature , la progression physique dans la cadence; l'endurance ....
Ne pas oublier que la marche nordique est dans la continuité du ski de fond , elle est une alternative complémentaire à d'autres disciplines ....
S'il y a lenteur en marche nordique cela peut-être un moyen de continuer très tardivement (dans les âges) et bien vieillir dans une pratique sportive
Dans mon groupe de marche nordique (de niveau santé) j'ai une marcheuse de 81 ans qui marche dans un esprit "lenteur" pour garder de la tonicité et conserver sa belle motricité
Pour conclure la marche nordique (sport Tonique à part entière) et la randonnée avec bâtons (marche de découverte "intérieure et extérieure) sont deux belles pratiques complémentaires sans les mettre en opposition
Merci pour vos débats et vive "les marches "
Patrice de l'EAPE
Débat philosophique; intéressant et très très "long et lent" sur la lenteur en marche nordique !!
Je me disais dans ce contexte "Zen" de la marche pourquoi une pratique de la marche nordique , je pense que c'est tout simplement de la marche avec bâtons (type randonnée) qui est également une belle pratique mais différente de la MN
Je ne crois pas que c'est l'esprit de la marche nordique ; dans les écrits de Philophilo il me manque tous les aspects techniques (bénéfiques au corps) la posture; la gestuelle bénéfique à l'harmonie de la musculature , la progression physique dans la cadence; l'endurance ....
Ne pas oublier que la marche nordique est dans la continuité du ski de fond , elle est une alternative complémentaire à d'autres disciplines ....
S'il y a lenteur en marche nordique cela peut-être un moyen de continuer très tardivement (dans les âges) et bien vieillir dans une pratique sportive
Dans mon groupe de marche nordique (de niveau santé) j'ai une marcheuse de 81 ans qui marche dans un esprit "lenteur" pour garder de la tonicité et conserver sa belle motricité
Pour conclure la marche nordique (sport Tonique à part entière) et la randonnée avec bâtons (marche de découverte "intérieure et extérieure) sont deux belles pratiques complémentaires sans les mettre en opposition
Merci pour vos débats et vive "les marches "
Patrice de l'EAPE
Patrice de l'EAPE- Membre 5 ansMembre 5 ans
Re: Eloge de la lenteur.
Merci à Patrice et à NordicPat de ME donner l'occasion de parler de MA pratique de la marche nordique en termes de vie, de lenteur, de souplesse, d'harmonie, de paix et de méditation. Merci à toutes celles et à tous ceux qui ME donnent l'occasion d'envisager la marche nordique du point de vue d'une sagesse orientale pluri-millénaire qui voit dans la marche lente le secret et le symbole de la longue vie (万岁, wàn suì, littéralement "les dix-mille ans") plutôt que de celui d'une pensée occidentale qui ne valorise la marche que depuis quelques décennies en la considérant, le plus souvent, sous l'angle du sport, de la technique, de la vitesse, de la compétition, de l'entraînement, de l'effort et de l'alternative plaisir/souffrance.
Peut-être bien, après tout, que ce dont je parle ne mérite plus d'être appelé "marche nordique" ? Voire. Je persisterai néanmoins à l'aborder en ces termes. Comme le dit Lǎozǐ (Lao Tseu) "revenir à l'origine c'est être en repos ; être en repos c'est revenir à la vie ; revenir à la vie c'est être constant ; être constant c'est être éclairé" (Dàodéjīng, §16).
PhiPhilo.
PS : la traduction du §71 du Lǎozǐ n'est pas "connaître, c’est ne pas connaître : voilà l’excellence. Ne pas connaître, c’est connaître : voilà l’erreur", ce qui ne veut pas dire grand-chose mais "savoir et croire qu'on ne sait pas, voilà le remède ; ne pas savoir et croire qu'on sait, voilà la maladie".
Peut-être bien, après tout, que ce dont je parle ne mérite plus d'être appelé "marche nordique" ? Voire. Je persisterai néanmoins à l'aborder en ces termes. Comme le dit Lǎozǐ (Lao Tseu) "revenir à l'origine c'est être en repos ; être en repos c'est revenir à la vie ; revenir à la vie c'est être constant ; être constant c'est être éclairé" (Dàodéjīng, §16).
PhiPhilo.
PS : la traduction du §71 du Lǎozǐ n'est pas "connaître, c’est ne pas connaître : voilà l’excellence. Ne pas connaître, c’est connaître : voilà l’erreur", ce qui ne veut pas dire grand-chose mais "savoir et croire qu'on ne sait pas, voilà le remède ; ne pas savoir et croire qu'on sait, voilà la maladie".
Dernière édition par PhiPhilo le Sam 13 Juin 2020 - 7:38, édité 1 fois
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour
Il y doit bien y avoir un point commun entre ces différentes manières de "se sentir" dans la marche nordique ?
Il y doit bien y avoir un point commun entre ces différentes manières de "se sentir" dans la marche nordique ?
_________________
Angel
Angel- Membre 5 ansMembre 5 ans
- Localisation : Rhone Alpes Auvergne
Re: Eloge de la lenteur.
Angel a écrit:Il y doit bien y avoir un point commun entre ces différentes manières de "se sentir" dans la marche nordique ?
Un et même plusieurs. Mais apparemment tout le monde ne partage pas cet avis et préfère réserver le label "marche nordique" à une approche beaucoup plus restrictive faite de contraintes techniques et de récompenses (plaisir, "beauté du geste", performances, classement, médailles, etc.). Dommage.
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour à tous
Ok Phiphilo, cette façon d'exprimer les choses me convient beaucoup mieux !
Oui Angel il y certainement des points commun dans la façon de bien se sentir dans la marche nordique. J'en vois au moins deux : marcher et trouver son chemin.
Le "label marche nordique" correspond en effet à une pratique bien précise, avec d'ailleurs un règlement. Mais rien n'empêche d'en tirer tous les bénéfices que cite Phiphilo... et d'autres si on on le souhaite.
Phiphilo a écrit:Merci à Patrice et à NordicPat de ME donner l'occasion de parler de MA pratique de la marche nordique en termes de vie, de lenteur, de souplesse, d'harmonie, de paix et de méditation
Ok Phiphilo, cette façon d'exprimer les choses me convient beaucoup mieux !
Oui Angel il y certainement des points commun dans la façon de bien se sentir dans la marche nordique. J'en vois au moins deux : marcher et trouver son chemin.
Le "label marche nordique" correspond en effet à une pratique bien précise, avec d'ailleurs un règlement. Mais rien n'empêche d'en tirer tous les bénéfices que cite Phiphilo... et d'autres si on on le souhaite.
J'ai bien compris que ce ne sont pas des valeurs que tu partages. Mais il n'est utile pour autant d'être moralisateur. Même les médaillés sur le marche nordique tour (dont je suis très loin de faire partie) méritent le respect.Phiphilo a écrit:plaisir, "beauté du geste", performances, classement, médailles, etc.
Re: Eloge de la lenteur.
大家好 ! Dà jiā hăo ! Bonjour à tou(te)s !
Le moment est venu, me semble-t-il, de préciser ce que j'entends par "lenteur". J'aurais sans doute dû le faire plutôt mais, à l'instar des taoïstes, je préfère qu'on me comprenne intuitivement, en n'expliquant que le moins possible, réservant lesdites explications aux cas où l'incompréhension serait avérée. Ce qui est manifestement le cas ici. Je vais donc développer ma conception de la "lenteur" en m'appuyant successivement sur chacun des trois piliers du dào : le vide (wú), l'unité (yī) et la paix (dàn).
Tout d'abord, en effet, faire l'éloge de la lenteur, c'est faire l'éloge du vide. Pourquoi ? Comme le dit Lǎo Zǐ "le Sage travaille à non-agir [wéi wú wéi]" (Dàodéjīng, §2), c'est-à-dire qu'il se contente de suivre et, à l'occasion, d'indiquer la Voie (dào) qui est celle du ne-pas-trop (wú) : ne-pas-trop avoir, ne-pas-trop savoir, ne-pas-trop faire. Il ne s'agit, pour autant, de promouvoir ni la misère, ni l'ignorance, ni la paresse. Mais plutôt de constater que les êtres humains ont une tendance insatiable à accumuler : toujours plus de richesses, toujours plus de connaissances, toujours plus d'actions. Dès lors, le vide taoïste n'est pas un néant mais un ne-pas-trop (wú) dans le sens où la sagesse va consister, effectivement, à faire le vide en se délestant d'un certain nombre de tendances qui, in fine, nous font souffrir dans la mesure où, d'une part, nous n'en maîtrisons pas les conditions (d'où déceptions, désillusions, amertume, etc.) et où, d'autre part, elles ne sont pas conformes au cours de la (de notre) nature (d'où maladies, traumatismes et mort prématurée).
Qui a compris cela ne peut pas ne pas en tirer un enseignement tout à fait actuel au sujet de ses comportements, notamment, sportifs. Rechercher la vitesse, la performance, le record, c'est, à proprement parler, se "pourrir la vie". Je rappelle au passage que le terme de "record" a été popularisé par Henry Ford, l'inventeur du travail à la chaîne (et, accessoirement, idole d'un certain Adolf Hitler), qui entendait optimiser la productivité de ses ouvriers en enregistrant (to record = enregistrer) les performances des uns et des autres et en récompensant ceux qui produisaient le plus dans le minimum de temps. La tendance à réaliser un "record" est donc, historiquement, le parfait exemple de l'effort tout à la fois vain (il dépend de tant de paramètres !) et pénible, sinon destructeur. Rechercher à accroître perpétuellement sa vitesse d'exécution revient donc à rien d'autre que ruiner sa propre santé. Au moins les ouvriers d'H. Ford étaient-ils obligés de travailler en obéissant aux injonctions de leur hiérarchie pour (sur-)vivre. Mais tous ces "sportifs" dits "amateurs" (je ne parle pas des professionnels pour qui le sport est un travail comme un autre), ceux qui, sous couvert d'améliorer leur santé, profitent de leur temps libre (en chinois, 空, kòng, qui veut dire à la fois temps libre, loisir, et temps vide) pour le remplir d'objectifs de productivité inutiles dans le meilleur des cas, nuisibles dans le pire !
Que veut dire, dès lors, dans la pratique de la marche nordique, "marcher lentement", c'est-à-dire renoncer à cette absurde intention d'augmenter toujours sa vitesse ? Notez qu'il s'agit, non de renoncer à la vitesse en soi (ce qui n 'a aucun sens), mais de renoncer à la poursuite obsédante de la performance, du record. A l'époque où j'étais moi-même marathonien d'un honnête niveau régional, j'avais coutume de donner ce conseil à qui me demandait comment je faisais pour parcourir 150 à 180 km par semaine : tu pars toujours très doucement, puis tu accélères très progressivement et, lorsque tu te sens bien chaud(e) et en parfait équilibre d'oxygène, alors tu ralentis un peu et tu souris (très important, ça : si tu n'en es pas capable, c'est que tu vas trop vite). Là, même à 15/16 km/h, tu cours lentement. Lentement dans le sens où le temps ne passe plus : tu ne contrôles plus rien, tu ne fais plus d'effort, tu ne penses plus à rien, tu ne ressens plus rien, ton souffle se confond avec "le grand souffle [qì] indéterminé de la Nature qui s’appelle vent [fēng]" dirait Zhuāng Zǐ. Le relâchement est total. Le vide est total. Le bienfait immense. Je pense que, mutatis mutandis, une telle consigne de lenteur doit pouvoir être appliquée à n'importe quelle pratique, sportive ou non. Mais plus encore en marche nordique où la quadrupédie favorise la décontraction, l'abandon des tensions, le non-contrôle des sensations kinesthésiques (liées au mouvement) sans risque pour la coordination motrice et l'équilibre.
Bon, je m'arrête là pour aujourd'hui.
PhiPhilo.
Le moment est venu, me semble-t-il, de préciser ce que j'entends par "lenteur". J'aurais sans doute dû le faire plutôt mais, à l'instar des taoïstes, je préfère qu'on me comprenne intuitivement, en n'expliquant que le moins possible, réservant lesdites explications aux cas où l'incompréhension serait avérée. Ce qui est manifestement le cas ici. Je vais donc développer ma conception de la "lenteur" en m'appuyant successivement sur chacun des trois piliers du dào : le vide (wú), l'unité (yī) et la paix (dàn).
Tout d'abord, en effet, faire l'éloge de la lenteur, c'est faire l'éloge du vide. Pourquoi ? Comme le dit Lǎo Zǐ "le Sage travaille à non-agir [wéi wú wéi]" (Dàodéjīng, §2), c'est-à-dire qu'il se contente de suivre et, à l'occasion, d'indiquer la Voie (dào) qui est celle du ne-pas-trop (wú) : ne-pas-trop avoir, ne-pas-trop savoir, ne-pas-trop faire. Il ne s'agit, pour autant, de promouvoir ni la misère, ni l'ignorance, ni la paresse. Mais plutôt de constater que les êtres humains ont une tendance insatiable à accumuler : toujours plus de richesses, toujours plus de connaissances, toujours plus d'actions. Dès lors, le vide taoïste n'est pas un néant mais un ne-pas-trop (wú) dans le sens où la sagesse va consister, effectivement, à faire le vide en se délestant d'un certain nombre de tendances qui, in fine, nous font souffrir dans la mesure où, d'une part, nous n'en maîtrisons pas les conditions (d'où déceptions, désillusions, amertume, etc.) et où, d'autre part, elles ne sont pas conformes au cours de la (de notre) nature (d'où maladies, traumatismes et mort prématurée).
Qui a compris cela ne peut pas ne pas en tirer un enseignement tout à fait actuel au sujet de ses comportements, notamment, sportifs. Rechercher la vitesse, la performance, le record, c'est, à proprement parler, se "pourrir la vie". Je rappelle au passage que le terme de "record" a été popularisé par Henry Ford, l'inventeur du travail à la chaîne (et, accessoirement, idole d'un certain Adolf Hitler), qui entendait optimiser la productivité de ses ouvriers en enregistrant (to record = enregistrer) les performances des uns et des autres et en récompensant ceux qui produisaient le plus dans le minimum de temps. La tendance à réaliser un "record" est donc, historiquement, le parfait exemple de l'effort tout à la fois vain (il dépend de tant de paramètres !) et pénible, sinon destructeur. Rechercher à accroître perpétuellement sa vitesse d'exécution revient donc à rien d'autre que ruiner sa propre santé. Au moins les ouvriers d'H. Ford étaient-ils obligés de travailler en obéissant aux injonctions de leur hiérarchie pour (sur-)vivre. Mais tous ces "sportifs" dits "amateurs" (je ne parle pas des professionnels pour qui le sport est un travail comme un autre), ceux qui, sous couvert d'améliorer leur santé, profitent de leur temps libre (en chinois, 空, kòng, qui veut dire à la fois temps libre, loisir, et temps vide) pour le remplir d'objectifs de productivité inutiles dans le meilleur des cas, nuisibles dans le pire !
Que veut dire, dès lors, dans la pratique de la marche nordique, "marcher lentement", c'est-à-dire renoncer à cette absurde intention d'augmenter toujours sa vitesse ? Notez qu'il s'agit, non de renoncer à la vitesse en soi (ce qui n 'a aucun sens), mais de renoncer à la poursuite obsédante de la performance, du record. A l'époque où j'étais moi-même marathonien d'un honnête niveau régional, j'avais coutume de donner ce conseil à qui me demandait comment je faisais pour parcourir 150 à 180 km par semaine : tu pars toujours très doucement, puis tu accélères très progressivement et, lorsque tu te sens bien chaud(e) et en parfait équilibre d'oxygène, alors tu ralentis un peu et tu souris (très important, ça : si tu n'en es pas capable, c'est que tu vas trop vite). Là, même à 15/16 km/h, tu cours lentement. Lentement dans le sens où le temps ne passe plus : tu ne contrôles plus rien, tu ne fais plus d'effort, tu ne penses plus à rien, tu ne ressens plus rien, ton souffle se confond avec "le grand souffle [qì] indéterminé de la Nature qui s’appelle vent [fēng]" dirait Zhuāng Zǐ. Le relâchement est total. Le vide est total. Le bienfait immense. Je pense que, mutatis mutandis, une telle consigne de lenteur doit pouvoir être appliquée à n'importe quelle pratique, sportive ou non. Mais plus encore en marche nordique où la quadrupédie favorise la décontraction, l'abandon des tensions, le non-contrôle des sensations kinesthésiques (liées au mouvement) sans risque pour la coordination motrice et l'équilibre.
Bon, je m'arrête là pour aujourd'hui.
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
(Suite de ce qui précède).
Faire l'éloge de la lenteur, c'est aussi célébrer l'unité (一, yī). Il existe, dans la plus ancienne tradition chinoise, un ouvrage vénéré comme l’un des piliers les plus solides de cette culture pluri-millénaire, c’est le Yì Jīng, littéralement "livre des mutations, des changements, des transformations". La raison de cette vénération est qu’il commence par la phrase "un yīn, un yáng, voilà le dào". Autrement dit, la Voie (dào) est indéfectiblement celle qui mène d’un yīn à un yáng puis de ce yáng à un autre yīn, etc. À l’origine, yīn et yáng désignent respectivement l’ubac et l’adret d’une même colline, ce que rappellent leurs sinogrammes 阴 (colline + lune) et 阳 (colline + soleil). L’une des représentations les plus connues, notamment dans la culture occidentale, du yīn et du yáng est celle de taì jí tú (太极图, "la grande image") : . D’où que l’on parte sur la circonférence du cercle en procédant dans une direction ou dans l’autre, on rejoint asymptotiquement la couleur opposée à celle dont on est parti ; d’autre part, il y a toujours du noir dans le blanc et du blanc dans le noir, autrement dit, il n’y a pas de yīn pur ni de yáng pur. La "grande image" est donc une représentation symbolique de l'unité.
Quelles conséquences pour la marche nordique ? D'abord il n'y a plus d'opposition entre le physique et le mental. Ou, plus exactement, si on a compris en quoi la marche nordique permet de "faire le vide", alors on comprend aussi que tout ce qui est physique devient mental et tout ce qui est mental devient physique, et ainsi de suite, perpétuellement. En ce sens, la marche nordique n'est nullement une "activité physique" comme le sont le tennis ou les pilates : le corps n'y est pas un instrument au service d'une volonté d'atteindre un objectif mais la Voie elle-même, le processus vital lui-même. Du coup, à la limite, elle n'est même plus une "activité" parce qu'une activité, c'est un moment dans la vie et un moment contingent, non-nécessaire. Or la marche nordique n'est pas un moment mais un symbole de l'unité de la vie elle-même, tout à la fois dans son cheminement (la vie est un flux, on ne l'arrête pas, sauf à mourir) et dans son incertitude (on ne sait jamais ce que l'on va rencontrer au détour du chemin). Ensuite, il n'y a plus d'opposition entre moi et mon environnement (la nature, si l'on veut, mais pas seulement puisque les manifestations de la culture humaine font aussi partie de mon environnement). Mieux encore : lorsque je marche et, a fortiori, lorsque je marche en étant connecté à la Terre par mes quatre appuis et au Ciel par ma respiration calme et profonde, l'énergie (气, qì) circule librement de la Terre (阴, yīn) vers le Ciel (阳, yáng) de sorte que le "moi" s'abolit, inclus qu'il est dans ce continuum. Faire l'éloge de la lenteur, c'est donc faire l'éloge de l'unité.
Voilà. Il me reste à parler de la paix comme aspect de la lenteur. Ce que je ferai incessamment.
PhiPhilo.
Faire l'éloge de la lenteur, c'est aussi célébrer l'unité (一, yī). Il existe, dans la plus ancienne tradition chinoise, un ouvrage vénéré comme l’un des piliers les plus solides de cette culture pluri-millénaire, c’est le Yì Jīng, littéralement "livre des mutations, des changements, des transformations". La raison de cette vénération est qu’il commence par la phrase "un yīn, un yáng, voilà le dào". Autrement dit, la Voie (dào) est indéfectiblement celle qui mène d’un yīn à un yáng puis de ce yáng à un autre yīn, etc. À l’origine, yīn et yáng désignent respectivement l’ubac et l’adret d’une même colline, ce que rappellent leurs sinogrammes 阴 (colline + lune) et 阳 (colline + soleil). L’une des représentations les plus connues, notamment dans la culture occidentale, du yīn et du yáng est celle de taì jí tú (太极图, "la grande image") : . D’où que l’on parte sur la circonférence du cercle en procédant dans une direction ou dans l’autre, on rejoint asymptotiquement la couleur opposée à celle dont on est parti ; d’autre part, il y a toujours du noir dans le blanc et du blanc dans le noir, autrement dit, il n’y a pas de yīn pur ni de yáng pur. La "grande image" est donc une représentation symbolique de l'unité.
Quelles conséquences pour la marche nordique ? D'abord il n'y a plus d'opposition entre le physique et le mental. Ou, plus exactement, si on a compris en quoi la marche nordique permet de "faire le vide", alors on comprend aussi que tout ce qui est physique devient mental et tout ce qui est mental devient physique, et ainsi de suite, perpétuellement. En ce sens, la marche nordique n'est nullement une "activité physique" comme le sont le tennis ou les pilates : le corps n'y est pas un instrument au service d'une volonté d'atteindre un objectif mais la Voie elle-même, le processus vital lui-même. Du coup, à la limite, elle n'est même plus une "activité" parce qu'une activité, c'est un moment dans la vie et un moment contingent, non-nécessaire. Or la marche nordique n'est pas un moment mais un symbole de l'unité de la vie elle-même, tout à la fois dans son cheminement (la vie est un flux, on ne l'arrête pas, sauf à mourir) et dans son incertitude (on ne sait jamais ce que l'on va rencontrer au détour du chemin). Ensuite, il n'y a plus d'opposition entre moi et mon environnement (la nature, si l'on veut, mais pas seulement puisque les manifestations de la culture humaine font aussi partie de mon environnement). Mieux encore : lorsque je marche et, a fortiori, lorsque je marche en étant connecté à la Terre par mes quatre appuis et au Ciel par ma respiration calme et profonde, l'énergie (气, qì) circule librement de la Terre (阴, yīn) vers le Ciel (阳, yáng) de sorte que le "moi" s'abolit, inclus qu'il est dans ce continuum. Faire l'éloge de la lenteur, c'est donc faire l'éloge de l'unité.
Voilà. Il me reste à parler de la paix comme aspect de la lenteur. Ce que je ferai incessamment.
PhiPhilo.
Re: Eloge de la lenteur.
Bonsoir les marcheuses et marcheurs
Bonsoir Phiphilo
Je ne peux résister à l'envie d'une -courte- réponse à ces posts.
Je ne connaissais même pas l’existence du dào, alors ses piliers !..
Est-ce ma culture occidentale ou mon esprit cartésien… j’ai en effet, pour ma part, été incapable de te comprendre intuitivement. Une fois ces explications lues attentivement, j’y vois des idées à retenir et d’autres qui ne me parlent pas. Je pense les comprendre mais ne les fais pas miennes pour autant... Je ne crois donc pas que je vais me convertir au taoïsme demain, même si j'en partage certaines valeurs.
Concernant leur extrapolation au domaine qui nous intéresse, la marche nordique, je ne rejoins toujours pas tes raccourcis. J’aurais beaucoup de choses à dire là-dessus mais je ne le ferai pas car :
1) Je m’étais engagé à en rester là
2) Ça n’apporterai rien de plus au débat que nous avons déjà eu.
Donc je vais continuer à marcher comme j’aime le faire, simplement, sans « prise de tête » et « en paix ».
Je te souhaite également de rester en paix et de marcher comme tu l’entends... avec tolérance pour celles et ceux qui ne la partagent pas ta conception.
Sportivement
NordicPat
Bonsoir Phiphilo
Je ne peux résister à l'envie d'une -courte- réponse à ces posts.
Merci pour cet exposé, instructif, qui nous permet d’en savoir plus sur « les trois piliers du dào ».Phiphilo a écrit:Le moment est venu, me semble-t-il, de préciser ce que j'entends par "lenteur". J'aurais sans doute dû le faire plutôt mais, à l'instar des taoïstes, je préfère qu'on me comprenne intuitivement, en n'expliquant que le moins possible, réservant lesdites explications aux cas où l'incompréhension serait avérée. Ce qui est manifestement le cas ici.
Je ne connaissais même pas l’existence du dào, alors ses piliers !..
Est-ce ma culture occidentale ou mon esprit cartésien… j’ai en effet, pour ma part, été incapable de te comprendre intuitivement. Une fois ces explications lues attentivement, j’y vois des idées à retenir et d’autres qui ne me parlent pas. Je pense les comprendre mais ne les fais pas miennes pour autant... Je ne crois donc pas que je vais me convertir au taoïsme demain, même si j'en partage certaines valeurs.
Concernant leur extrapolation au domaine qui nous intéresse, la marche nordique, je ne rejoins toujours pas tes raccourcis. J’aurais beaucoup de choses à dire là-dessus mais je ne le ferai pas car :
1) Je m’étais engagé à en rester là
2) Ça n’apporterai rien de plus au débat que nous avons déjà eu.
Donc je vais continuer à marcher comme j’aime le faire, simplement, sans « prise de tête » et « en paix ».
Je te souhaite également de rester en paix et de marcher comme tu l’entends... avec tolérance pour celles et ceux qui ne la partagent pas ta conception.
Sportivement
NordicPat
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour à NordicPat ainsi qu'aux autres marcheur(euse)s.
Comme nous l'avons déjà souligné, le terme chinois pour "marche", "randonnée", "promenade", etc. c'est 散步, sàn bù, littéralement "déplacement serein", "avance avec détachement", etc, mettant ainsi en relation la marche et le vide. Il y a donc là l'idée que la marche ne saurait être réduite à une simple "activité", a fortiori une "activité physique". La pensée chinoise (traditionnelle) la considère d'emblée comme une manière de concevoir la vie : un passage, un flux, un chemin, bref une Voie. Ce n'est pas par hasard que le mot chinois pour "Voie", 道 (dào), est composé de 辶 qui représente la marche et de 頁qui représente la pensée. Marche et taoïsme sont donc indissociables : vivre en suivant la Voie, donc en comprenant que la Nature (et donc, en particulier, notre nature) est à la fois une et fluide, c'est vivre en marchant. Marcher, c'est donc, de ce point de vue, se couler dans le processus naturel, être en paix avec lui. A contrario, le conflit, la guerre (战, zhàn) consiste à prétendre s'affranchir du cours de la Nature. Et comme le moi du marcheur est déjà dissous dans ce cours naturel, suivre la Voie, c'est nécessairement aussi être en paix avec soi-même. Inversement, tenter d'aller contre-Nature, c'est toujours se faire du mal à soi-même.
Je dois avouer que des expressions telles que, "se dépasser", "aller au-delà de ses limites", "apprivoiser sa propre souffrance", etc., autant de tics de langage proprement occidentaux, m'ont toujours laissé songeur. A la limite, je puis concevoir que celui ou celle qui croit en l'existence d'un paradis qui rédimerait dans l'au-delà les souffrances éprouvées ici-bas s'impose de telles souffrances, voire finisse par les "aimer" dans une forme finalement assez rationnelle de masochisme. Mais pour les autres ? Quelle peut bien être la motivation de celui ou celle qui, sous couvert d'"activité physique", voire de "meilleure santé" est en guerre contre soi-même ? Si, comme le pensent les taoïstes, nous n'avons qu'une vie, à quoi bon se la rendre volontairement pénible ? En chinois, pour se souhaiter une bonne santé, on dit 万寿无疆, wàn shòu wú jiāng, littéralement "encore dix-mille anniversaires". Vivre bien, c'est vivre longtemps. Alors pourquoi s'évertuer à écourter cette vie en s'imposant des efforts absurdes ? Et, corrélativement, comment s'étonner que celui qui ne respecte même pas sa propre vie, puisse se sentir concerné par celle d'autrui ?
C'est pourquoi la seule manière de marcher qui soit compatible avec le dào, c'est la marche paisible, tranquille, sereine, c'est-à-dire pacifique. En marchant paisiblement, on est en paix avec soi-même, et, par conséquent, avec 万物, wàn wù, tous les êtres. De plus, l'extraordinaire souplesse, la fabuleuse fluidité de mouvement qu'autorise cette forme de déplacement où l'on transfère, à l'aide de deux bâtons, sa force motrice alternativement de l'arrière vers l'avant et d'un côté vers l'autre faisant ainsi participer l'ensemble du corps au cheminement, voilà bien la meilleure illustration possible que l'on puisse donner de l'esprit du dào qui est donc aussi, me semble-t-il, celui de la marche nordique. Tout à la fois vide, unité et paix. Tout à l'opposé, on le voit, de ce fameux "esprit de compétition" qui a si bonne presse en occident.
Depuis toujours, dans toutes les civilisations, le Sage est un marcheur qui progresse lentement appuyé sur son bâton. Pour conclure, je dirai donc : soyez sage, marchez lentement.
PhiPhilo.
PS : là où l'occidental, pour éviter le conflit, dit "soyez tolérant", le chinois dit 气量, qì liàng, c'est-à-dire ... "respirez profondément" !
Permettez-moi d'en douter. Le dào n'est autre que ce qu'on orthographiait jadis "tao". En écrivant "dào" j'adopte juste la translittération officielle (comme pour Lǎo Zǐ au lieu de Lao Tseu, ou Běi Jīng à la place de Pékin).NordicPat a écrit:Je ne connaissais même pas l’existence du dào
Tel n'est pas le but de l'opération. D'ailleurs je ne le suis pas moi-même. Mais d'une part il me semble que le point de vue taoïste est propre à relativiser un certain nombre d'évidences véhiculées par la main stream thought (celle que nous assènent les media), notamment au sujet du sport, et d'autre part il se trouve que la langue et la culture chinoise font fréquemment allusion à la marche comme modus vivendi. Je vais y revenir en disant deux mots de la paix (dàn) comme dimension essentielle à la marche en général et à la marche nordique en particulier.NordicPat a écrit:Je ne crois donc pas que je vais me convertir au taoïsme demain
Comme nous l'avons déjà souligné, le terme chinois pour "marche", "randonnée", "promenade", etc. c'est 散步, sàn bù, littéralement "déplacement serein", "avance avec détachement", etc, mettant ainsi en relation la marche et le vide. Il y a donc là l'idée que la marche ne saurait être réduite à une simple "activité", a fortiori une "activité physique". La pensée chinoise (traditionnelle) la considère d'emblée comme une manière de concevoir la vie : un passage, un flux, un chemin, bref une Voie. Ce n'est pas par hasard que le mot chinois pour "Voie", 道 (dào), est composé de 辶 qui représente la marche et de 頁qui représente la pensée. Marche et taoïsme sont donc indissociables : vivre en suivant la Voie, donc en comprenant que la Nature (et donc, en particulier, notre nature) est à la fois une et fluide, c'est vivre en marchant. Marcher, c'est donc, de ce point de vue, se couler dans le processus naturel, être en paix avec lui. A contrario, le conflit, la guerre (战, zhàn) consiste à prétendre s'affranchir du cours de la Nature. Et comme le moi du marcheur est déjà dissous dans ce cours naturel, suivre la Voie, c'est nécessairement aussi être en paix avec soi-même. Inversement, tenter d'aller contre-Nature, c'est toujours se faire du mal à soi-même.
Je dois avouer que des expressions telles que, "se dépasser", "aller au-delà de ses limites", "apprivoiser sa propre souffrance", etc., autant de tics de langage proprement occidentaux, m'ont toujours laissé songeur. A la limite, je puis concevoir que celui ou celle qui croit en l'existence d'un paradis qui rédimerait dans l'au-delà les souffrances éprouvées ici-bas s'impose de telles souffrances, voire finisse par les "aimer" dans une forme finalement assez rationnelle de masochisme. Mais pour les autres ? Quelle peut bien être la motivation de celui ou celle qui, sous couvert d'"activité physique", voire de "meilleure santé" est en guerre contre soi-même ? Si, comme le pensent les taoïstes, nous n'avons qu'une vie, à quoi bon se la rendre volontairement pénible ? En chinois, pour se souhaiter une bonne santé, on dit 万寿无疆, wàn shòu wú jiāng, littéralement "encore dix-mille anniversaires". Vivre bien, c'est vivre longtemps. Alors pourquoi s'évertuer à écourter cette vie en s'imposant des efforts absurdes ? Et, corrélativement, comment s'étonner que celui qui ne respecte même pas sa propre vie, puisse se sentir concerné par celle d'autrui ?
C'est pourquoi la seule manière de marcher qui soit compatible avec le dào, c'est la marche paisible, tranquille, sereine, c'est-à-dire pacifique. En marchant paisiblement, on est en paix avec soi-même, et, par conséquent, avec 万物, wàn wù, tous les êtres. De plus, l'extraordinaire souplesse, la fabuleuse fluidité de mouvement qu'autorise cette forme de déplacement où l'on transfère, à l'aide de deux bâtons, sa force motrice alternativement de l'arrière vers l'avant et d'un côté vers l'autre faisant ainsi participer l'ensemble du corps au cheminement, voilà bien la meilleure illustration possible que l'on puisse donner de l'esprit du dào qui est donc aussi, me semble-t-il, celui de la marche nordique. Tout à la fois vide, unité et paix. Tout à l'opposé, on le voit, de ce fameux "esprit de compétition" qui a si bonne presse en occident.
Depuis toujours, dans toutes les civilisations, le Sage est un marcheur qui progresse lentement appuyé sur son bâton. Pour conclure, je dirai donc : soyez sage, marchez lentement.
PhiPhilo.
PS : là où l'occidental, pour éviter le conflit, dit "soyez tolérant", le chinois dit 气量, qì liàng, c'est-à-dire ... "respirez profondément" !
Re: Eloge de la lenteur.
Bonjour Phiphilo,
et à celles et ceux qui ont eu l'envie (et/ou le courage !?) de nous suivre jusqu'ici.
Allez, quelques petites dernières réflexions encore, cette fois promis les dernières pour moi sur ce sujet.
Mais il est question dans ce propos de "marche, randonnée, promenade"... et non pas de marche nordique. Si j'ai bien lu : "le sage dans toutes les civilisations est un marcheur qui progresse lentement appuyé sur son bâton". La notion de poussée (avec deux bâtons), un des éléments essentiel de la marche nordique, ne doit pas beaucoup l’intéresser.
Pourquoi cet acharnement à tout ramener au dào, en particulier cette pauvre marche nordique qui n'a rien demandé à personne, si ce n'est de respecter son règlement quand on la pratique en compétition.
Il y a certes des aspect positifs dans la pensée taoïste, mais elle ne peut pas revendiquer d'être la "VERITE AVÉRÉE", en marche nordique comme dans la façon de penser en général. Je suis pour ma part très réticent à la "pensée unique", qui peut conduire à tous les totalitarismes, en Chine et ailleurs. Comme le chante Florent Pagny, je préfère conserver "ma liberté de penser" et notamment en prenant ce qui me convient chez les penseurs de toutes les grandes civilisations et en laissant le reste. Je ne vais pas le développer ici, ce serait beaucoup trop long, mais ceux que ça intéresse peuvent aller consulter, sur le blog que je viens de créer, MA vision, toute personnelle, forgée à partir d'une compilation de pensées que je fais miennes, de Sénèque à Oscar Wilde, en passant par Schopenhauer, la sagesse arabe, ... Lao-Tseu et d'autres.
Nb : je ne suis pas prof de philo, mais j'essaie de trouver mon propre "chemin", sans chercher à forcer quinconce à le suivre... oui, j'aime bien ce concept et je pense en effet que le chemin est le plus souvent plus important que la destination : Balises sur les chemins de la vie
Mais c'est la raison pour laquelle je pense que la vie doit être bien remplie (dans tous les sens de l'adverbe bien). C'est un peu le fil de la réflexion sur "mes balises". Et c'est pour cela que le vide ne fait pas partie des valeurs auxquelles j'aspire. Les moments positifs forts -sportifs notamment- qui me resteront à jamais gravés en mémoire sont liés en effet liés à des situations de dépassement, d'effort, plus que de moments "creux". Ce qui continue à me faire avancer, se sont bien des objectifs, des ambitions à la hauteur de mes capacités. Non ne je crois pas que la recette du bonheur est juste de ne ne pas se faire mal.
Il ne s'agit pas pour moi ici de conflit mais de débat. Il n'y a que les intégristes, extrémistes et dictateurs de tous poils (dont je ne crois pas que nous fassions partie) qui entrent en conflit (et bien pire encore) pour des idées.
Donc ma conclusion reste la même, marchez comme vous voulez !
Et je terminerai sur une réplique d'un vieux classique du cinéma français (Un taxi Tobrouk) sur des dialogues de Michel Audiard : "Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche"
NordicPat
et à celles et ceux qui ont eu l'envie (et/ou le courage !?) de nous suivre jusqu'ici.
Allez, quelques petites dernières réflexions encore, cette fois promis les dernières pour moi sur ce sujet.
J'entends bien que l'on puisse pratiquer la marche nordique dans l'esprit du dào (ou tao), et -comme monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir- il m'arrive aussi parfois de marcher dans cet esprit. Quoique la notion de vide ne fait pas partie vraiment partie de mon art de vivre (oui j'ai bien noté que dans l'esprit des taoïstes, le vide n'est pas vraiment le vide, comme la lenteur n'est pas vraiment la lenteur... pas simple tout ça). J'y reviendra en quelques mots.Phiphilo a écrit:Comme nous l'avons déjà souligné, le terme chinois pour "marche", "randonnée", "promenade", etc. c'est 散步, sàn bù, littéralement "déplacement serein", "avance avec détachement", etc, mettant ainsi en relation la marche et le vide. Il y a donc là l'idée que la marche ne saurait être réduite à une simple "activité", a fortiori une "activité physique"
Mais il est question dans ce propos de "marche, randonnée, promenade"... et non pas de marche nordique. Si j'ai bien lu : "le sage dans toutes les civilisations est un marcheur qui progresse lentement appuyé sur son bâton". La notion de poussée (avec deux bâtons), un des éléments essentiel de la marche nordique, ne doit pas beaucoup l’intéresser.
Encore une fois je ne comprends pas cette volonté de vouloir à tout prix restreindre la pratique de la marche nordique à cette seule dimension et, en plus, mettre en accusation les millions de sportifs (y compris amateurs) dans le monde -pas seulement occidental- qui en effet acceptent d'endurer des "efforts absurdes", voire pour certains repousser leurs limites, se dépasser (ou peut aussi appeler ça progresser), sans pour autant se détruire.Phiphilo a écrit:C'est pourquoi la seule manière de marcher qui soit compatible avec le dào, c'est la marche paisible, tranquille, sereine, c'est-à-dire pacifique.
Pourquoi cet acharnement à tout ramener au dào, en particulier cette pauvre marche nordique qui n'a rien demandé à personne, si ce n'est de respecter son règlement quand on la pratique en compétition.
Il y a certes des aspect positifs dans la pensée taoïste, mais elle ne peut pas revendiquer d'être la "VERITE AVÉRÉE", en marche nordique comme dans la façon de penser en général. Je suis pour ma part très réticent à la "pensée unique", qui peut conduire à tous les totalitarismes, en Chine et ailleurs. Comme le chante Florent Pagny, je préfère conserver "ma liberté de penser" et notamment en prenant ce qui me convient chez les penseurs de toutes les grandes civilisations et en laissant le reste. Je ne vais pas le développer ici, ce serait beaucoup trop long, mais ceux que ça intéresse peuvent aller consulter, sur le blog que je viens de créer, MA vision, toute personnelle, forgée à partir d'une compilation de pensées que je fais miennes, de Sénèque à Oscar Wilde, en passant par Schopenhauer, la sagesse arabe, ... Lao-Tseu et d'autres.
Nb : je ne suis pas prof de philo, mais j'essaie de trouver mon propre "chemin", sans chercher à forcer quinconce à le suivre... oui, j'aime bien ce concept et je pense en effet que le chemin est le plus souvent plus important que la destination : Balises sur les chemins de la vie
Comme les taoïstes, je crois que nous avons une seule vie (il s'agit bien d'une croyance, personne n'a jamais été capable de prouver que c'est une vérité... ou l'inverse). Et je ne crois ni au paradis ni à l'enfer. Je ne cherche donc pas la rédemption.Phiphilo a écrit:A la limite, je puis concevoir que celui ou celle qui croit en l'existence d'un paradis qui rédimerait dans l'au-delà les souffrances éprouvées ici-bas s'impose de telles souffrances, voire finisse par les "aimer" dans une forme finalement assez rationnelle de masochisme. Mais pour les autres ? Quelle peut bien être la motivation de celui ou celle qui, sous couvert d'"activité physique", voire de "meilleure santé" est en guerre contre soi-même ? Si, comme le pensent les taoïstes, nous n'avons qu'une vie, à quoi bon se la rendre volontairement pénible ?
Mais c'est la raison pour laquelle je pense que la vie doit être bien remplie (dans tous les sens de l'adverbe bien). C'est un peu le fil de la réflexion sur "mes balises". Et c'est pour cela que le vide ne fait pas partie des valeurs auxquelles j'aspire. Les moments positifs forts -sportifs notamment- qui me resteront à jamais gravés en mémoire sont liés en effet liés à des situations de dépassement, d'effort, plus que de moments "creux". Ce qui continue à me faire avancer, se sont bien des objectifs, des ambitions à la hauteur de mes capacités. Non ne je crois pas que la recette du bonheur est juste de ne ne pas se faire mal.
L'un n'empêche pas l'autre ! Je ne pense pas d'ailleurs que la tolérance soit une valeur spécifiquement occidentale, certains en sont d'ailleurs très éloignés : l'histoire et l'actualité nous le démontrent malheureusement.Phiphilo a écrit:là où l'occidental, pour éviter le conflit, dit "soyez tolérant", le chinois dit 气量, qì liàng, c'est-à-dire ... "respirez profondément" !
Il ne s'agit pas pour moi ici de conflit mais de débat. Il n'y a que les intégristes, extrémistes et dictateurs de tous poils (dont je ne crois pas que nous fassions partie) qui entrent en conflit (et bien pire encore) pour des idées.
Donc ma conclusion reste la même, marchez comme vous voulez !
Et je terminerai sur une réplique d'un vieux classique du cinéma français (Un taxi Tobrouk) sur des dialogues de Michel Audiard : "Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche"
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